Contribution – Deux ou trois choses à reprocher au Congrès de la Soummam
Par Saadeddine Kouidri – Le premier reproche à faire au Congrès de la Soummam est l’absence de la femme de cette liste des 17 titulaires et autant de suppléants, c’est-à-dire des 34 membres désignés au Conseil national de la Révolution algérienne (CNRA). Dans une contribution qui avait pour titre «Non, le Congrès de la Soummam n’est plus un exemple» qui remonte à août 2012, j’écrivais : «On peut constater qu’au Conseil national de la Révolution algérienne, le CNRA, issu du Congrès de la Soummam tenu le 20 août 1956, qu’il n’y a pas un seul membre issu d’une autre communauté que musulmane. Il n’y a pas de représentant des minorités politiques ou civiles, jusqu’à l’absence du communiste Amar Ouzeggane qui avait été exclu du Parti communiste algérien (PCA) en 1948 et arrêté en janvier 1958 pour son action au sein du FLN et qui a été un des principaux rédacteurs de la plateforme. Avec de telles exclusions, on veut faire croire que le congrès peut être encore une référence pour les jeunes d’aujourd’hui. Tous les CNRA qui suivirent prendront exemple sur le premier et resteront fermés aux minorités y compris à Frantz Fanon, pour ne pas parler de l’écrivain et poète Jean El-Mouhoub Amrouche, de l’abbé Alfred Bérenguer ou de Pierre Chaulet, ces noms parmi d’autres qui étaient tous impliqués dans la guerre à de hauts niveaux de responsabilité sans qu’aucun d’eux n’ait été membre du CNRA».
Il se trouve que la majorité du peuple était ainsi absente. Sans critique, ce congrès ne peut pas rester un exemple à cause de ces deux raisons. A ces deux raison s’ajoute la raison majeure, la troisième, celle qui nous est soufflée par Hachemi Cherif dans son livre Enjeux en jeu, paru en 1993 aux éditions Impact : «Les textes de la Révolution n’ont abordé ces questions (identitaire et projet de société) qu’à mi-chemin (…) Ces textes ont été immédiatement des textes politiques plutôt que des textes fondamentaux constitutifs de la nation. En ce sens, ils ont contribué à fonder une identité posée davantage comme démarcation vis-à-vis de l’autre, comme attitude d’opposition à cet autre et donc négative, plutôt qu’une identité formulée comme affirmation de soi, positive».
Sur le site de la Présidence, que reprend celui du RCD à la veille de la célébration du cinquantième anniversaire de l’Indépendance, le document de la plateforme de la Soummam – dont la version originelle intégrale reste inaccessible –, avait été modifiée ainsi : le mot «socialisme» a été remplacé «féodalisme». Cette trituration vise non seulement à continuer à enseigner, à propager l’idée que la guerre de Libération nationale a été initiée par les oulémas, mais aussi et à crédibiliser les arrivants tardifs à la Révolution.
On comprend mieux pourquoi on cherche, à ce jour, à évacuer le débat de fond qui reste le projet de société contenu dans les documents du FLN et qui mutilait l’identité nationale. L’absence de critiques sur les faiblesses du Congrès de la Soummam, à savoir la marginalisation de la femme et des minorités du CNRA et l’absence de débat sur l’identité et le projet de société, ont eu pour conséquence l’exclusion de la gent féminine ainsi que de l’écrasante majorité du peuple de la scène politique. Une exclusion qui risque de rendre caduque la plateforme aux yeux des générations futures, laquelle demeurera une carte politicienne aux mains du pouvoir et de l’opposition.
S. K.
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