Déni de réalité
Par Sadek Sahraoui – Même animé de la plus grande des volontés, l’envoyé spécial de l’ONU en Libye, Ghassan Salamé, ne réussira pas à organiser des élections générales dans l’ex-Jamahiriya d’ici le 10 décembre prochain. Les affrontements sanglants qui ont opposé cette semaine deux grandes milices alliées au Gouvernement d’union nationale (GNA) dans le sud de Tripoli prouvent que les conditions politiques, législatives et sécuritaires pour tenir un scrutin dans ce pays sont encore loin d’être réunies.
Outre d’illustrer la situation chaotique dans laquelle se débat le pays et le poids des ingérences et des rivalités étrangères, ces nouveaux combats mettent notamment en avant le caractère illusoire des appels de la communauté internationale à des élections d’ici la fin de l’année, une des recommandations phares de la Conférence internationale sur la Libye qui s’était tenue au mois de mai dernier à Paris.
Dans le cas particulier de la Libye, la communauté internationale semble même faire preuve d’un déconcertant déni de réalité. Pourtant, il n’est pas difficile de comprendre que le pays va très mal et que la situation n’a pas évolué d’un iota depuis la conclusion de l’accord inter-libyen du 17 décembre 2015. Le statu quo a même bénéficié aux malfaiteurs et autres bandits qui mettent tout en œuvre pour aggraver un peu plus chaque mois la fragmentation de la Libye.
Dans un récent rapport intitulé «Capitale des milices », Small Arms Survey, une ONG spécialisée dans l’analyse des conflits armés, basée à Genève, estime à ce propos que «les grandes milices tripolitaines se sont transformées en réseaux criminels à cheval sur la politique, les affaires et l’administration». L’ONG ajoute que ces mêmes milices dirigées par des seigneurs de guerre «ont infiltré la bureaucratie et sont de plus en plus en mesure de coordonner leurs actions à l’intérieur des différentes institutions publiques».
Face à ces hordes criminelles, le gouvernement libyen est malheureusement impuissant. Certains analystes pensent même que ces milices sont aujourd’hui en mesure d’empêcher la tenue de toute élection si elle ne sert pas leurs intérêts. Autrement dit, si demain il y a des élections en Libye, il est à peu près sûr que le pouvoir échouera entre les mains de brigands et de mercenaires. Est-ce vraiment ce que veulent l’ONU et la tout autant illusoire communauté internationale ?
S. S.
Comment (6)