Intox et ignorance sur le choléra : un médecin remet les pendules à l’heure
Nous publions ce texte explicatif sur un ton ironique – à juste titre – d’un médecin qui explique comment l’opinion publique a été bernée par une large campagne de désinformation sur les réseaux sociaux et dans certains médias avides de scoops. Une campagne dont les conséquences ont été désastreuses pour les producteurs et les commerçants des fruits et légumes.
«Je veux bien qu’on me pende haut et court si on arrive à me démontrer que les pastèques et les autres fruits puissent contenir pour la transmettre une quelconque maladie dans leur chair.
Le seul désagrément qu’on peut avoir en mangeant un fruit malade, comme c’est le cas des dattes, c’est de manger un ver. Sinon, il n’y a aucun fruit capable de transmettre une maladie et, encore plus, entraîner une épidémie.
On arrose les arbres avec tout ce qu’on veut, à partir de n’importe quelle eau, aussi sale soit-elle, il n’en sera rien. Les plantes sont propres parce qu’elles ont appris à ne puiser que ce qui les rend plus fortes. Si ce qui coule à leur pied est toxique, elles meurent avant la fleur et le fruit.
Sur tous les réseaux, on est en train de montrer des champs arrosés avec de l’eau suspecte. Et alors ? Avec quoi voulez-vous donc qu’on arrose vos palmiers et vos tomates en plein désert où le seul point d’eau saumâtre est à quelques enjambées de chameaux et de quelques encablures de fond de puits ?
Pour être simple, parce qu’il faut rester dans cette longueur d’onde intelligente, les fruits et les légumes ne peuvent contaminer que la personne, les deux personnes, les dix membres de la même famille qui ne lavent ni leurs mains, ni leurs fruits, ni leurs assiettes, ni leurs draps, ni leurs cuvettes de toilettes… Aucune honte à parler de ça. Non, on l’a toujours occulté : quand on a les mains sales, on contamine des centaines de personnes par jour.
Les poignées de tout ce qui s’ouvre, les poignées de porte, partout, sont le premier contact avec l’extérieur, les poignées de mains, les serviettes dans les restaurants, les comptoirs, les enveloppes, les billets de banque et la monnaie, les pastèques et fruits non rincés, les objets exposés sur les étals que tout le monde touche avant d’acheter, les portières des taxis, le téléphone…
Notre professeur d’épidémiologie était vietnamien. Il nous donnait de merveilleux cours si bien décrits que je n’en ai oublié aucun. Il nous a d’abord appris que les graines de courge contenaient un poison appelé fugitène, qui nous débarrassait des vers et autres ascaris. C’est quand il nous a dit que l’hépatite virale pouvait aussi être transmise par le téléphone qu’on s’est mis à rire. On imaginait un lointain cousin, tout jaune de sa jaunisse, nous appelant le jour de l’Aïd pour nous présenter ses vœux et nous, à l’autre bout du pays, devenir jaune à notre tour. On a ensuite compris que l’appareil du téléphone était un danger potentiel dans la mesure où, à l’époque, on n’avait que des cabines téléphoniques pour appeler. Les mains sales posées sur le combiné suffisaient à contaminer des milliers.
Je termine en répétant à ceux qui veulent bien me croire que les maladies telles que le choléra, la typhoïde, l’hépatite commune se transmettent par le biais des eaux de boisson.
Une épidémie est la propagation d’une maladie sur un large rayon géographique. Les fruits ne peuvent être source de contamination que de manière individuelle ou sporadique chez les personnes peu soucieuses de leur propre hygiène. C’est pour cela que les premières maladies citées sont dites à transmission hydrique. Autrement dit, les fruits ne transmettent aucune maladie dans leur chair. Sur leur peau, par contre, si vous ignorez qu’on doit laver tous les fruits, c’est votre ignorance qui vous tue, et non le melon.
Mangez des fruits, abusez des pastèques et du raisin même ramassés dans un égout, à condition de rincer à l’eau courante. A l’eau courante, parce que dans une bassine, vous gardez toujours les germes dans l’eau.»
Dr Khadraoui
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