Réflexes toxiques
Par Akram Chorfi – On ne sait s’il faut, en matière environnementale, commencer par les symptômes ou s’il est nécessaire plutôt de remonter d’abord aux sources du mal pour l’extirper de nos entrailles, avant de s’attaquer à des comportements, des agissements, des réflexes toxiques des individus qui ne sont, en fait, que la manifestation d’une culture profondément ancrée dans les mœurs sociales de la majorité des habitants – on ne peut alors dire citoyens.
Ce qu’il faut entendre par un tel questionnement, c’est qu’on voit que nos jeunes jettent toujours tout dans les rues, alors qu’ils ont visité l’école d’aujourd’hui qui est censée les avoir éduqués, instruits, sensibilisés par des programmes où est effectivement intégrée l’éducation à la question environnementale.
On peut aller plus loin en remarquant, à juste titre d’ailleurs, que les anciens, qui n’avaient pas visité l’école, qui n’avaient pas reçu la moindre éducation, et à qui le colon avait imposé un cadre de vie insalubre et délabré, se sont toujours montrés respectueux de leur environnement.
Dès lors, et à partir de ce raisonnement, on est en droit de constater, par déduction, que l’école n’aurait pas réussi à infléchir et à refréner, chez les jeunes, un comportement de pollueurs qui leur aurait été inculqué dans leurs familles et dans leurs quartiers.
Nous parlons ici d’absence de culture urbaine, de culture citadine chez un grand nombre. Ce qui est somme toute tout à fait courant dans de nombreux pays, à travers le globe, qui ont vécu un transfert brutal des populations rurales vers la ville, l’expérience algérienne étant spécifiquement liée à deux événements, l’un heureux et l’autre tragique, à savoir le recouvrement de l’indépendance et la décennie noire.
Ce qui manque à notre pays, en revanche, pour combler la vacance imposée par l’inculture citadine, dans les mœurs des habitants, c’est une politique de coercition qui repose sur un socle législatif très engageant, qui responsabilise autant les citoyens, les entreprises, les collectivités locales que les institutions de l’Etat elles-mêmes.
Le concept du pollueur payeur, déjà formulé et nourri de grandes intentions et de vœux pieux, doit être réhabilité pour marquer au quotidien la mémoire et l’imaginaire citoyens, de la culture de la responsabilité, de la culture de la propreté et de la salubrité.
Les Algériens sont très propres. S’ils ne l’étaient pas, leurs intérieurs ne seraient pas tels que nous les connaissons : d’une propreté éclatante ; ils seraient plutôt comme cet extérieur pour lequel ils n’éprouvent pas la même affection et qu’ils salissent ou regardent les autres le salir avec indifférence.
Peut-être qu’en payant leurs gestes d’irrespect envers cet espace extérieur qui représente leur environnement immédiat et celui de leurs enfants, ils développeront, le temps aidant, le sentiment que cet espace, aussi, leur appartient collectivement ?
Plus que la circulation urbaine qui a juste besoin de feux tricolores et de télésurveillance, la salubrité urbaine, socle de la qualité de vie qui nous manque si cruellement, a besoin d’une police de l’environnement, d’un corps spécialement formé pour réhabiliter un statut qui nous réconcilierait tous entre nous et avec notre milieu de vie : celui de la citoyenneté.
A. C.
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