Le mauvais social
Par Akram Chorfi – De nombreuses entreprises publiques censées faire des bénéfices et être en très bonne santé financière se trouvent dans un gouffre managérial car elles ont subi des choix de portée politique, qui n’ont rien à voir avec la gestion pragmatique que dictent, à tout manager, le bon sens le plus élémentaire et l’instinct de survie qui permet de pérenniser une entreprise.
Le propriétaire de ces entreprises publiques, en l’occurrence l’Etat, a produit des déséquilibres structurels en leur sein, en les contraignant à des recrutements de portée sociale, consentis dans des situations injonctives, ne permettant pas d’en choisir le genre, ni d’en optimiser la qualité, et ce d’autant que ces recrutements brassent dans des catégories qui ne peuvent être requalifiées dans les cœurs de métiers ou des activités productives.
Ce qui a eu pour effet de gonfler la masse salariale de ces entreprises sans contribuer à hisser la qualité des ressources humaines et la performance, renforçant, comme en des temps anciens, l’influence des syndicats et l’emprise des petits emplois en entreprise et sur les œuvres sociales, seul point focal qui mobilise des employés sociaux qui n’ont pas grand-chose à faire là où ils perçoivent leurs «salaires», certes relativement petits, mais mortifères pour ces entités économiques.
Les perspectives sont encore bien plus sombres quand on imagine le scénario à venir. Est-il d’ailleurs besoin d’imaginer ? Il n’y a qu’à se rappeler le sort des entreprises publiques vers la fin des années 1980 et durant la décennie de toutes les crises.
Air Algérie, Sonelgaz, Sonatrach et tant d’autres entités viables, fortes d’une expérience de plusieurs décennies, sont réduites à servir de réceptacles pour la politique socialisante de l’Etat, recrutant à bras-le-corps des milliers et des milliers de personnes, incapables par ailleurs de garder leurs élites du fait de grilles de salaires trop rigides ou vouées à consacrer l’égalitarisme salarial.
Pourtant, quitte à payer des salaires, n’aurait-il pas été plus judicieux d’éviter de lester tous ces navires qui avaient besoin de prendre le large et d’affronter les vagues de la compétition et de la performance, en payant des allocations sociales ?
C’est pourtant connu, celui qui n’a pas sa place dans un lieu où les gens travaillent finit par empêcher les autres de travailler. C’est pire quand les valeurs s’inversent sous le nombre au point de faire oublier au plus grand nombre pourquoi ils sont censés être là. C’est pire aussi quand c’est ce grand nombre qui reproche à l’Etat d’avoir fait ce qu’il a fait.
Cruelle destinée que celle du social, voué à condamner ce qu’il prétend défendre et promouvoir.
A. C.
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