Le Washington Post sur la torture en Algérie : la reconnaissance de la France «historique» mais «insuffisante»
La reconnaissance jeudi par la France du recours systématique des militaires français à la torture durant la Guerre de libération est une «décision historique» mais «loin d’être suffisante», a indiqué jeudi le Washington Post, estimant qu’en France il y a toujours une «réticence» à assumer l’héritage de la violence coloniale en Algérie.
Dans une analyse ponctuée des premières réactions d’historiens et d’observateurs français, le prestigieux quotidien américain soutient que cette reconnaissance est «une mesure sans précèdent (d’une France) aux prises avec son héritage refoulé de crimes coloniaux», mais qui «ne va pas assez loin».
Dans un geste qualifié d’historique par la presse internationale, le président français a reconnu jeudi la responsabilité de l’Etat français dans l’assassinat de Maurice Audin, torturé jusqu’à la mort, reconnaissant officiellement le recours des militaires français à un système de torture légalement institué durant la Guerre de libération nationale.
«Cela nous permet d’avancer, de sortir du déni», affirme l’historien Benjamin Stora dans une déclaration au Washington Post. Le quotidien rappelle que lorsque le «pays s’est révolté en 1954, la répression fut sauvage», jugeant que la Guerre d’Algérie est encore «plus polémique et conflictuelle» que celle du Vietnam, avec tout son legs colonial. La reconnaissance suscite déjà «des comparaisons d’espoir» avec la décision de Jacques Chirac de 1995 d’assumer pleinement la responsabilité de la France et du régime Pétain dans la rafle du Vél d’Hiv où des milliers de juifs ont été arrêtés et déportés, relève le quotidien. Mais «les deux événements sont très différents», selon Benjamin Stora, car la décision du président Macron révèle et remet sur le tapis plusieurs anciens dossiers de la colonisation. Ce qui est certain aussi c’est qu’il sera difficile aux successeurs de Macron de faire marche arrière sur cette décision, estime l’historien. Pour le Washington Post, «si le président français s’est penché sur le fait colonial», les réticences à assumer l’héritage de la violence coloniale comme le massacre brutal du 17 octobre 1961 persistent encore. «Les historiens estiment que pas moins de 200 Algériens ont été tués, mais le nombre exact des victimes reste incertain», note-t-il.
Réagissant à cette décision, Yasser Louati, militant de premier plan contre l’islamophobie en France, décrit «un moment historique» qui, cependant, «ne va pas assez loin». «Nous devons encore faire face à l’héritage de l’ère coloniale», a déclaré Yasser Louati au quotidien américain.
Le Washington Post relève que «le système français actuel est né en 1958, en plein Guerre d’Algérie, en réaction à une tentative d’un coup d’Etat perpétré par un groupe de généraux français à Alger».
R. I.
Comment (5)