La trace de notre Révolution
Par Saadeddine Kouidri – En général, le jeune peintre et le jeune photographe illustrent la Révolution par l’image d’un peuple dans les rues déployant un étendard et brandissant des banderoles où sont inscrites ses revendications pour les libertés. Le peintre comme le photographe savent qu’ils font l’histoire avec un tel cliché car plus tard − quelques jours, 70 pour la Commune de Paris, quelques années, 70 pour la Révolution d’Octobre − leurs collègues illustreront les lendemains qui déchantent par des images représentant un gouvernement de quelques individus, étrangers à la première image, qui ne revendiquent rien puisqu’ils ont tout.
Notre Révolution, malgré tous les aléas du passé et du présent (des coups bas de l’intérieur et de l’extérieur du pays) a, grâce à sa force populaire, contre vents et marées, su préserver notre indépendance. Si notre indépendance n’est pas à l’image des novembristes, c’est parce qu’elle s’est tout simplement distinguée de la Révolution. Toutes les Révolutions ont échoué et toutes ont laissé des traces : l’indépendance en est une pour l’Algérie ; le développement pour la Russie ; une culture pour le peuple chinois ; la caractéristique est qu’au moment même où la mondialisation a fini par détruire le Mur de Berlin, c’est pour laisser entrevoir au monde la muraille de Chine.
Ceux qui attribuent aux Lumières la Révolution bourgeoise devraient plutôt dire que la Révolution populaire des communes alliées des Lumières a donné la bourgeoisie. Cette autre trace de l’Humanité. C’est l’échec de la Révolution qui laisse sur son chemin cette nouvelle classe, la bourgeoisie qui va développer le capitalisme en s’accaparant de la machine à vapeur. La bourgeoisie a comme caractéristique l’inégalité qui entraine le racisme, l’esclavagisme, le colonialisme, l’apartheid, le sionisme, l’islamisme, dans le seul but celui de l’exploitation de l’Homme par l’Homme. On peut donc affirmer que toutes les Révolutions ont été spoliées par cette classe. Ce n’est pas pour rien qu’on la surnomme la haute classe, puisqu’elle a le dessus, dans le monde à ce jour.
La Révolution de Novembre a été spoliée par les islamistes – pas directement. L’environnement international, qu’enveloppait le Mouvement de libération nationale sous la protection de l’ex-URSS ne leur permettait pas, mais par les «oulémas» interposés comme celle de 1789 par les thermidoriens en 1794.
Attribuer les «Lumières» à la révolution bourgeoisie c’est croire que l’esclavagisme, le racisme, le colonialisme, le fascisme, l’apartheid, le sionisme, l’islamisme relèvent des droits de l’Homme ! C’est croire que la Révolution n’a pas été spoliée. Un aveuglement entretenu par l’esprit lumineux des philosophes et des lumières artificielles des médias pour empêcher le déclin de la bourgeoisie et la Révolution d’évoluer naturellement, inexorablement.
Il se raconte, comme une découverte, que pour tricher dans les élections gérées en numérique, qu’en cas de défaite, l’unique solution pour gagner est d’inverser le résultat. On constate que c’est ce qui caractérise la politique de la bourgeoisie. Comme on constate que lors d’Octobre 1988 à Alger ou dans les rue de Tunis et du Caire quelques années plus tard les islamistes ne faisaient que reprendre la pratique de leur maitre qu’ils qualifient de kâfir (impie). Il suffit à l’adversaire de dire que c’est lui qui a fait la Révolution quand elle est victorieuse ou de dire que c’est lui qui l’a dirigé pour l’accaparer. Une façon d’empêcher la poursuite de la lutte qui consiste à demander des comptes à l’ennemi. «2 Gaule» en est le dernier exemple. Après avoir usé de tous les stratagèmes pour détruire l’ALN, ce peuple en arme, en faisant appel à plus d’un million de soldats, à toutes sortes de guerres et à tous les moyens, y compris ceux de l’OTAN. On déclare que le général, toute honte bue, nous a octroyé l’indépendance !
Aucune des révolutions de par le monde et de tous les temps n’a été achevée. Ce qui laisse sous-entendre qu’elle a échoué, dans le but d’encourager l’ennemi à reprendre du poil de la bête. On ne dit jamais qu’elle reste juste inachevée pour encourager la remobilisation qui pour vaincre doit être permanente, car la Révolution est d’abord un chemin qu’on trace à force de l’emprunter.
En visite à Alger, Macron a reconnu que la colonisation est un crime contre l’Humanité. Une fois élu, a-t-il proposé l’abrogation de la loi glorifiant le colonialisme votée ? A-t-il ordonné des réformes de l’enseignement de l’histoire dans ce sens ? Rien.
Si je devais contribuer à l’écriture de l’histoire, je dirai que le 1er Novembre avait tracé une nouvelle frontière qui consiste à distinguer deux sortes d’individus : les colonialistes et les anticolonialistes. On sait de quel côté était Jean El-Mouhoub. Il était d’un seul côté. La diversité et la richesse culturelle n’étaient pas en conflit, bien au contraire. Elles étaient loin de diviser d’affaiblir ou de vous mener chez le psy. Mais tant qu’il n’est pas dit officiellement que le colonialisme est un crime contre l’humanité, beaucoup ne comprendront toujours pas ce qu’ils nomment «Guerre d’Algérie». Non la torture dans cette «Guerre d’Algérie» n’était pas à l’initiative de certains officiers français ; elle relevait d’une stratégie de l’armée de la République française.
Continuer à faire de la lutte de Libération nationale juste une question de tortionnaires et de harka ou d’un illustre «disparu» ne fait qu’augmenter la bousculade au cabinet des psy de Paris, d’Alger ou d’ailleurs. Quand on dit que la colonie est «l’enfant voyou des Lumières» on sous-entend que le tortionnaire est l’enfant voyou de la République française, eh bien non car la monarchie constitutionnelle et la République étaient opposées aux Lumières puisqu’elles pratiquaient un «génocidemultiforme répété» dans les colonies.
Un titre des livres de l’historien français Olivier Le Cour Grandmaison est Coloniser. Exterminer. Tout le programme de la République française est dans ce titre et l’absence de sa dénonciation par le Parlement français continuera encore à porter préjudice à tous les anticolonialistes de par le monde, particulièrement aux intellectuels de bonnes intentions, et à protéger les colonialistes et leurs bourreaux.
S. K.
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