Ressources sahraouies : une Commission du PE relève les difficultés quant à un accord UE-Maroc
Le rapporteur de la Commission du commerce international du Parlement européen (INTA), l’eurodéputée française, Mme Patricia Lalonde, a relevé la difficulté d’émettre un avis sur l’«application des préférences commerciales UE-Maroc aux produits venant du territoire du Sahara Occidental, principalement des produits agricoles (tomates et melons) et de la pêche».
Mme Lalonde a expliqué la difficulté par l’existence de «différentes opinions» concernant l’opportunité d’un accord commercial à propos des produits du Sahara Occidental, comme mentionné dans les conclusions de son rapport daté du 18 septembre 2018, qui fait suite à sa mission au Sahara Occidental occupé, effectuée à la tête d’une délégation parlementaire, les 3 et 4 du même mois.
Précisant que la mission a été effectuée dans le contexte des «préparations de la recommandation d’approbation du Parlement (PE)» concernant la proposition d’accord visant à étendre lesdites préférences, l’eurodéputée a fait savoir que des associations et organisations (dans les territoires sahraouis occupés) ont dénoncé le pillage des ressources naturelles», au moment où d’autres intervenants ont affirmé que les Sahraouis ne trouvent pas de travail dans la région et que les autorités locales auraient détruit une partie du patrimoine régional.
«Certains intervenants ont aussi indiqué que si l’accord passait au Parlement, le Front Polisario serait dans son droit de reprendre les armes», a, en outre, indiqué l’eurodéputé, avant de préciser qu’une autre association a dénoncé la surexploitation de la pêche en déplorant, dans le même ordre d’idées, que «seulement 5% des agréments de pêche seraient accordés à la population locale».
Les associations rencontrées ont, à la même occasion, fait référence à leurs militants «toujours en prison, et à d’autres libérés depuis», dénoncé la transgression, par l’occupant marocain, des droits de l’Homme dans les territoires sahraouis et se revendiquent «favorables à l’indépendance du territoire», a ajouté l’eurodéputée.
Se trouvant dans la difficulté d’exprimer leurs opinions en raison de la répression marocaine, les associations que Mme Lalonde a qualifiées de «favorables» au Front Polisario (seul et légitime représentant du peuple sahraoui) ont également évoqué le fait que «la population autochtone ne représenterait que 10% de la population locale».
Consentement du peuple sahraoui et application de l’arrêt de la CJUE
Dans ce contexte, il convient de souligner, qu’en dépit du format «déséquilibré» de la mission INTA au Sahara Occidental occupé dans la mesure où elle a été consacrée quasi-exclusivement à des rencontres avec des représentants marocains ou d’associations prétendument représentatives de la société civile sahraouie, les conclusions de Mme Lalonde reproduites dans son rapport s’inscrivent en partie en porte-à-faux avec ses précédentes déclarations publiques affirmant un prétendu «incontestable développement socio-économique dans la région» et de «projets qui créent de l’emploi pour les jeunes».
Par ailleurs, a-t-on regretté, Mme Lalonde s’est gardée d’aborder dans son rapport la question du «consentement» du peuple du Sahara Occidental, éludant ainsi l’une des exigences portées par l’arrêt de la Cour de justice européenne (CJUE).
La CJUE dans ses arrêts du 21 décembre 2016 et du 27 février 2018 avait statué clairement sur l’inapplicabilité des accords commerciaux et de l’accord de pêche UE-Maroc au territoire du Sahara Occidental, du fait de son statut de territoire «distinct» et «séparé» du royaume du Maroc, réaffirmant ainsi la non-souveraineté du Maroc sur le Sahara Occidental, conformément à la légalité internationale et aux résolutions pertinentes des Nations unies.
Dans ce sens, les plus hauts responsables européens ont réaffirmé à maintes reprises l’impératif du respect des arrêts de la CJUE, à l’instar du Président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, qui a affirmé à l’occasion de son discours sur l’état de l’Union devant le Parlement européen à Strasbourg le 12 septembre en cours, qu’«il y a un point sur lequel nous ne devons pas transiger : les arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne doivent être respectés et exécutés. C’est essentiel. L’Union européenne est une communauté de droit. Le respect de la règle de droit et le respect des décisions de justice ne sont pas une option mais une obligation».
Par ailleurs, dans un projet d’avis du 6 septembre 2018 de la Commission de l’agriculture et du développement rural (AGRI) à l’intention de la (INTA), sur le projet d’accord UE-Maroc, visant à étendre les préférences tarifaires aux produits originaires du Sahara Occidental, l’eurodéputé français Michel Dantin (Gropue du Parti populaire européen, PPE-), en sa qualité de rapporteur, a exprimé, entre autres, son inquiétude sur l’incapacité de la Commission à fournir des données fiables sur les importations sous préférences de produits provenant du Sahara Occidental qui ont pu avoir lieu depuis l’arrêt du 21 décembre 2016.
Dantin a aussi exprimé des doutes sur la pertinence douanière et commerciale de «la distinction opérée par le nouvel accord entre produits originaires du Sahara et produits originaires du Maroc», ce qui s’inscrit en faux avec les déclarations répétées du Commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici.
R. I.
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