Contribution – Sécurité sociale : déséquilibre ou mauvais pilotage ?
Par Nouredine Bouderba – La sécurité sociale en Algérie, héritée de la période coloniale, puis généralisée au lendemain de l’indépendance avant d’être consolidée, unifiée et uniformisée en 1983, constitue l’un des plus grands acquis de l’Algérie indépendante. Elle est intimement liée à la lutte pour l’émancipation nationale et pour l’indépendance et aux luttes contre la pauvreté et les inégalités et pour la justice sociale. Aussi, la pérennité du système de sécurité sociale ne peut être appréhendée en dehors de ses principes fondateurs et du rôle et missions qui lui ont été tracés en relation avec les exigences du développement économique et social du pays.
Elle a, dès l’indépendance, constitué le levier principal par lequel l’Etat a mené sa politique de protection sociale en vue de réaliser l’Etat social projeté par la Déclaration de Novembre 1954. Son équilibre financier ne peut être abordé sous un angle purement comptable ou financier sans prendre en considération toutes les sujétions et les charges de solidarité nationale mises sur son compte sans contreparties financières ou autres compensations.
Ainsi, le système de sécurité sociale mis en place notamment à la faveur des lois de 1983, a permis d’uniformiser et d’améliorer les avantages et prestations offerts à 80% de la population algérienne comptant aussi bien les assurés actifs cotisants, leurs ayant-droits ainsi que les catégories particulières non actives (étudiants, apprentis et stagiaires, moudjahid, handicapés, etc.).
Cependant, cette uniformisation a été contrariée par les exceptions destinées aux cadres supérieurs de l’Etat. Ces dernières assurent, contre une durée et un niveau de cotisation réduits, un salaire à vie financé essentiellement par le contribuable. Cette discrimination qui existe à ce jour, a constitué dès 1983 une remise en cause des principes fondateurs déclarés du système de sécurité sociale basé sur la répartition et la solidarité nationale à savoir, unicité, uniformisation des droits et unification des règles.
L’élargissement de la couverture sociale et sanitaire aux ayant-droits et aux catégories inactives et/ou fragiles a été rendu possible par les règles simplifiées et allégées d’affiliation et d’ouverture de droit de plus sans contrepartie contributive suffisante ou parfois absente. C’est ainsi que la forme et le niveau de financement du système n’étaient pas adéquats avec la diversité et les niveaux de prestations offerts.
Cette politique de généralisation et d’unification de la couverture sociale s’inscrivait dans un contexte de plein emploi salarié et dans une perspective de son développement continu et, donc, d’une augmentation continue des ressources de la sécurité sociale surtout grâce à l’aubaine démographique que constitue la structure de sa population.
Par ailleurs, cette politique s’inscrivait dans une optique ou l’essentiel des dépenses de soins est pris en charge par l’Etat au sein des établissements publics de santé dans le cadre de la médecine gratuite et où l’accroissement des dépenses des produits pharmaceutiques allait être compensé par le développement de l’industrie nationale du médicament et la subvention des prix des équipements et consommables de santé.
Cette vision n’a pas permis une clarification des rapports entre la sécurité sociale et l’Etat, d’un côté, et entre la sécurité sociale et le secteur de la santé, de l’autre, et une définition du rôle et des missions de chacune des parties dans le domaine de la protection sociale, de la santé et, partant, de leur financement.
N. B.
Extrait d’une communication présentée aux assises sociales organisées par le FFS le 22 septembre 2018. Avec l’aimable autorisation de l’auteur.
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