Intrigues à Istanbul
Par R. Mahmoudi – Dans la mystérieuse disparition du journaliste saoudien Jamal Khashoggi à l’intérieur du consulat de son pays à Istanbul, qui fait depuis une semaine les choux gras de la presse internationale, la plus grande énigme réside dans l’incapacité des autorités turques à l’élucider.
Alors qu’ils ont apparemment toutes les données filmées et mené des investigations poussées, les Turcs, ou du moins leur gouvernement, hésitent à trancher. On sent clairement dans les différentes déclarations de Recep Tayyip Erdogan une volonté de dégager toute responsabilité et de ne vouloir rien révéler, en acceptant difficilement une mission d’enquête saoudienne sur les lieux de «l’incident».
Alors que toute la presse mondiale, s’inspirant de quelques déclarations jamais assumées d’enquêteurs ou de journalistes turcs, a déjà prononcé son verdict, à savoir que le journaliste «dissident» aurait été enlevé et tué par un commando dépêché d’Arabie Saoudite, en donnant même des descriptions détaillées sur les circonstance de cette «liquidation», les médias saoudiens continuent, eux, à démentir et à crier au «complot», bien qu’ils soient incapables de prouver le contraire. Pour les laudateurs du prince Mohammed Ben Salmane, cette histoire n’est qu’une mise en scène concoctée par ceux qui, au Qatar notamment, cherchent à discréditer leur «héros national» auprès de ses alliés occidentaux qui le soutenaient dans les réformes qu’il avait engagées dans son pays. Leur argument est que le prince saoudien ne serait pas à ce point «naïf» pour s’engager dans une action aussi suicidaire et se mettre à dos ses principaux parrains.
Pour les partisans de Ben Salmane, cette «mise en scène» en Turquie ne peut être le produit du hasard. Le régime turc demeure, en effet, le principal soutien du Qatar dans la région et, notamment, depuis le déclenchement, il y a deux ans, de la crise avec les pays du Golfe. Il est partie prenante de toutes les manœuvres politiques destinées à remettre sur scelle les Frères musulmans, aujourd’hui traqués dans plusieurs pays arabes et notamment en Arabie Saoudite où les nouveaux dirigeants n’en ont laissé presque aucune trace. Pour torpiller le projet de Ben Salmane, Qataris et Turcs n’auraient pas trouvé mieux pour dresser contre lui les Américains et les Européens, sourcilleux sur la question des libertés et des droits de l’Homme, et les pousser à imposer des sanctions contre le régime saoudien en vue de l’isoler.
Les plus zélés de ses porte-flambeau du nouveau régime saoudien, nombreux sur les réseaux sociaux, sont persuadés que la «mascarade» finira bientôt par se dévoiler.
R. M.
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