La presse du Makhzen applaudit les critiques de Bajolet contre l’Algérie
Par R. Mahmoudi – La presse marocaine s’est emparée des «confidences» faites par l’ex-patron de la DGSE, Bernard Bajolet, sur l’Algérie où il fut ambassadeur de son pays pendant deux ans, mais qu’il dit connaître mieux que tout autre pays. Cette presse à la solde du Makhzen se délecte insidieusement de l’image obscurcie à merci par ce diplomate, en parlant du président algérien, «maintenu artificiellement en vie» ou d’un «pouvoir momifié». Mais c’est surtout ses «plongées» dans les relations algéro-marocaines qui attirent le plus ces journaux marocains, dont certains ont publié des extraits entiers de l’ouvrage de Bernard Bajolet dans sa version française ou traduite en arabe.
C’est le cas du quotidien arabophone El-Ayyam qui, dans un article paru cette semaine, a présenté le livre comme un «voyage dans les souvenirs d’un homme d’Etat de grande qualité», «connaissant tous les secrets d’Etat et tous les non-dits de la diplomatie». D’après ce journal, l’ouvrage de l’ex-ambassadeur de France à Alger offre au lecteur «des clés pour comprendre les rôles de la France et de l’Europe dans le reste du monde contemporain». L’auteur de l’article se dit surpris d’apprendre, par exemple, que le froid qui caractérisait les relations entre la France et l’Algérie, à l’époque de Valéry Giscard D’Estaing, n’était pas dû au passé colonial, mais plutôt au soutien apporté par le chef d’Etat français à l’invasion du Sahara Occidental par le Maroc, maquillée au Maroc en «marche verte», en envoyant des Jaguars pour attaquer les positions du Polisario en Mauritanie.
Ce journal reprend un passage dans lequel Bajolet explique que «le défi sahraoui est avant tout un conflit d’influence entre le Maroc qui a souffert de la partition coloniale du Sahara, et l’Algérie qui instrumente le Polisario au nom de la défense du droit du peuple sahraoui à son autodétermination». Autre passage repris comme un morceau d’anthologie par le journal marocain, celui relatif à l’échange rapporté dans le livre entre Bajolet et le président Bouteflika et que son auteur n’a pas manqué de répéter dans sa dernière interview à Jeune Afrique, autre média proche du Makhzen : «Je lui ai répondu qu’il ne s’agissait pas d’un parti pris mais de la conviction, en France, que l’affaire du Sahara était plus vitale pour le Maroc, plus importante pour sa stabilité, que ce n’était le cas pour l’Algérie».
R. M.
Comment (43)