Contribution de Bachir Medjahed – Le FLN et Bouteflika : qui soutient l’autre ?
Par Bachir Medjahed – Deux questions se posent avant toute analyse sur le FLN. Est-ce le parti FLN qui soutient le Président ou est-ce le Président qui soutient le FLN ? Est-ce le Président qui soutient une majorité présidentielle ou est-ce l’inverse ?
Le FLN est revenu – ou plutôt est retourné – à ses anciens pêchés de parti du pouvoir et non de parti au pouvoir. Il se sait fort vulnérable s’il se produit une rupture avec le pouvoir, c’est-à-dire le Président, ou s’il se produit une grave crise en son sein, ce qui est le cas avec le refus de Bouhadja de démissionner de son poste de président de l’APN.
Le FLN a survécu à tous les évènements et ce n’est jamais de son fait. Rappelons-en quelques-uns.
Il ne devait pas survivre à l’Indépendance pour que reviennent les partis qui avaient accepté de geler leurs activités pour que leurs militants rejoignent le FLN pour lutter pour l’indépendance du pays de façon unitaire. Il a survécu au 5 Octobre 1988. Il a survécu aux élections de 1991-1992 où il a dû sa survie en tant que première force politique à la dissolution du FIS, puis au refus de reconnaître le parti Wafa. Aux premières élections pluralistes, il a été démontré que le FLN était une administration et un parti de militants.
Il fut un temps où le FLN n’avait pas besoin de montrer sa force pour intimider et soumettre principalement ceux qui ne peuvent sacrifier leurs intérêts sur l’autel de leurs idées et ce, pour plusieurs raisons. La première signifie que se placer hors de l’influence du FLN et davantage travailler à contenir celle-ci fait courir le risque certain de se poser en ennemi du pouvoir et d’en subir les conséquences ou les foudres. Serait-il assez fort aujourd’hui pour que des partis ainsi que des personnalités soient ainsi appelés à s’inscrire dans le champ des influences du FLN pour mettre leur stabilité à l’abri de toute menace ? La deuxième est celle de les convaincre que leur avenir dépend de la perception qu’ils ont que celui-ci est lié à la nature des relations qu’ils auront avec le pouvoir ou ses représentants.
S’il demeure tout de même une contradiction flagrante quand on fait le constat que le FLN, majoritaire à l’Assemblée, ne semble avoir aucune influence sur les populations – en témoigne son incapacité à apaiser les facteurs de crise ou les émeutes tournantes, à moins que cette double incapacité n’en soit réellement pas une, mais voulue pour des raisons à élucider –, il n’en demeure pas moins que tout semble fait pour qu’il apparaisse comme étant le pilier du régime ou du pouvoir. Même les membres du gouvernement dont on dit qu’ils sont les hommes du Président pour n’être pas partisans, émargeaient au FLN avant la légalisation de ce qu’on avait appelé pluralisme politique, multipartisme et démocratie.
Nous nous trouvons alors dans une situation où le FLN ne pourra jamais supporter de n’être pas la première force politique et d’une manière écrasante en plus.
L’opposition l’explique par l’inexistence du champ politique, l’interdiction des marches et de la tenue des meetings et l’inexistence du droit à accéder aux médias lourds. Est-ce également par hasard que le FLN revendique pour lui l’appropriation exclusive du Président-candidat ?
Nous serions tentés de nous poser la question de savoir pourquoi le FLN semble avoir pour vocation de toujours être au pouvoir ou à soutenir le pouvoir, et à nous demander également qui, du Président ou du FLN a réellement plus de pouvoir.
Sans nul doute que tout parti pouvant se trouver dans la position d’une quasi-domination car son président est aussi président de la République, car il est la première force politique en termes de sièges parlementaires et dans la plupart de APC et des APW, ne peut que se comporter en hyperpuissance et céder fatalement au péché de l’unilatéralisme ou, du moins, à la tentation de procéder par la pratique de la politique des faits accomplis ; ce que, justement, lui reprochait constamment son allié, le RND, qui n’arrive pas à le détrôner.
Il ne peut pas non plus renoncer à tenter de faire de l’Exécutif et du Parlement les instruments de son hégémonie pour redéfinir le tracé de la carte nationale de son influence et qu’il agira dans le sens de l’irréversibilité de celle-ci et même à faire évoluer le champ politique en sa faveur.
C’est ainsi que le Parti des travailleurs (PT, gauche) présidé par Louisa Hanoune, et le Mouvement national pour la renaissance (MNR, islamiste) d’Abdallah Djaballah, avaient dit inscrire les tentatives de leur déstabilisation dans la stratégie du FLN de leur affaiblissement dans le champ politique, voire même dans la disparition politique de leurs leaders. A leur encontre, il serait mis en œuvre le principe américain de la guerre préventive pour éliminer une éventuelle double menace qui n’est pas forcément axée sur le registre électoral.
Les partis de l’opposition qui disent n’œuvrer que dans le champ défini par la loi perçoivent qu’ils ne doivent en aucune façon atteindre un niveau d’enracinement populaire suffisant pour porter, défendre, répandre leurs opinions et, surtout, ne pas atteindre le seuil à partir duquel ils pourraient constituer une menace pour le projet de domination du FLN. Leur conviction est pratiquement ancrée, selon laquelle le FLN ne cherche pas à devenir puissant par son enracinement au sein des populations, mais plutôt par les implosions de ses adversaires.
Mais, compte tenu du fait que ses militants et ses élus n’arrivent pas à occuper le terrain pour servir de facteurs d’apaisement en donnant des réponses locales à des émeutes locales, le FLN douterait de ses capacités réelles de mobilisation qui ne correspondent pas sur le terrain à ses représentativités au sein des assemblées élues. Le format de ses propres forces n’est pas conforme aux exigences du traitement partisan des crises locales, encore moins lorsque celles-ci sont simultanées.
Il sait bien qu’Il ne suffit pas de réitérer sans cesse son soutien au Président s’il s’avère que le parti est incapable d’éteindre les sources d’instabilité. Par contre, le soutien se valide par un acharnement à sans cesse pousser ou soutenir le Président à se présenter au mandat suivant quel qu’en soit le nombre, et c’est ce qu’il avait fait avec succès.
Quant aux partis de l’opposition, ils savent très bien qu’ils ne sont pas en situation de peser sur les orientations du pays et cela ne leur serait pas imputable, à moins qu’ils acceptent tous d’intégrer l’alliance ou, du moins, l’Exécutif pour donner le caractère d’union nationale au gouvernement en place et donner ainsi un sens à la réconciliation nationale.
Même les autres partis de l’alliance n’étaient, en réalité, pas à l’aise devant un FLN qui leur rappelle sans cesse qu’il est la première force politique et qui avait même affirmé sa conviction que l’alliance existera même sans le RND, étant convaincu que le MSP, qui est pourtant exclu de l’alternance au poste de président de la République, de président de l’APN, de président du Sénat, de Premier ministre, de président du Conseil constitutionnel et des ministères régaliens, ne se «désarrimera» jamais du pouvoir même s’il en sort apparemment.
Le FLN leur rappellera toujours qu’ils sont minoritaires et qu’ils ne pèsent qu’autant qu’ils s’allient à lui en tant qu’électrons éjectables qui gravitent sur une orbite dont lui-même est le noyau lourd.
Notre paysage politique, bien que d’essence pluraliste, a perdu de sa multipolarité depuis que le fait majoritaire au sein de l’Assemblé nationale est instrumenté pour rendre les partis hors alliance impuissants législativement.
En tout cas, il apparaît qu’aussi bien pour les partis de l’opposition légale que pour les partis hors FLN au sein de l’alliance, pas un parmi eux ne dispose d’atouts de puissance pour influer sur le cours des événements.
Mais, il faudrait tenir compte de la realpolitik, des réalités du pouvoir, à savoir que pour un bon moment encore, le pouvoir ou l’apparence d’en être sera encore FLN, ou du moins jusqu’à l’horizon des limites biologiques naturelles de ceux qui ont participé ou qui disent avoir participé à la guerre pour l’indépendance nationale.
Ce sont autant d’objectifs qui doivent asseoir la domination du FLN selon la vision qu’il y va de l’avenir du pays.
La cartographie des influences est bien sûr à dessiner bien avant que des événements imprévus ne surviennent et qui redistribueraient les cartes pour de nouveaux équilibres, le pays ne pouvant pas s’accommoder trop longtemps d’une domination unipolaire correspondant à l’unilatéralisme.
Jusqu’à ce jour, la réalité reste celle d’un paysage politique unipolaire dominé par le FLN auquel l’appartenance du Président confère une finalité d’hégémonie à son aspiration à devenir (ou à redevenir) le guide du pays.
B. M.
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