Le débat exclu
Par Bachir Medjahed – Ce n’est pas gaspiller sa salive que de revenir sur un thème inépuisable. Même durant la campagne électorale, il n’y a pas eu de débat. Même concernant la crise parlementaire actuelle, la cocaïne, les changements au sommet des institutions, il n’y a pas de vrai débat.
Est-il difficile et périlleux, par exemple, de mener un débat sur les émeutes ? Est-il dangereux de mener un débat sur l’émigration clandestine ? Est-il impossible de mener un débat sur le phénomène des attentats-suicide ? Est-il périlleux de mener un débat sur ce qui mène les communautés à se rendre mutuellement hostiles ?
A ce rythme où les députés abandonnent leurs devoirs d’assumer leurs missions, même en dehors de l’enceinte parlementaire pour des actions au plus près des populations, avant, pendant et après les émeutes, c’est toute l’action parlementaire qui perd sa crédibilité.
Pourtant, il est souvent répété que le débat fait partie de nos traditions et que le compromis est un instrument de gestion. Or, il serait difficile de se rappeler si vraiment il y a eu un jour un débat qui a été mené jusqu’à son terme, jusqu’à l’épuisement de toutes les argumentations contradictoires et donc à un compromis.
Pourquoi n’y a-t-il jamais eu un débat de haute importance sur des thèmes particuliers et pourquoi n’a-t-il jamais réussi à élire domicile aussi bien dans l’enceinte parlementaire que dans les médias au lieu qu’il soit contraint à trouver naturellement résidence dans la rue, hors de tout cadre organisé ?
Est-ce dû à la conviction d’une légitimité insuffisante acquise au moment où de hauts responsables de partis politiques dénoncent la corruption politique qui se traduit par l’achat de voix ? Lorsque des leaders politiques dénoncent eux-mêmes la corruption politique et que cela ne donne pas matière à des poursuites judiciaires, il est normal, alors, que les populations n’y croient pas.
C’est quand le débat se réfugie dans la rue que ceux qui le transforment en crise peuvent s’en saisir et construisent ensuite leur stratégie sur le meilleur usage à faire de celle-ci et ceux qui se donnent pour mission d’assombrir les perspectives d’avenir par la fourniture de lectures orientées vers la réunion des conditions devant permettre la permanence des émeutes. C’est en temps de sérénité qu’il faudrait débattre et placer le débat sur le front de la prévention.
Il y a tout de même deux Assemblées nationales qui devraient servir à des affrontements d’idées, au moins pour laisser s’épuiser les diverses argumentations politiques, car il est connu et reconnu que sans débat, il serait douteux qu’il puisse exister une solution politique ou même d’une autre nature qui soit acceptée par la majorité des citoyens.
B. M.
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