De la crise de l’APN
Par Abdelaziz Ghedia – Ce qui est vraiment désolant dans cette histoire de l’APN, c’est l’absence quasi-totale de réaction des hommes (et des femmes) politiques toutes tendances confondues – qu’ils soient représentés ou non au Parlement – et surtout des intellectuels, organiques ou libres. A notre connaissance, ces derniers ne se sont pas, jusqu’ici, exprimés sur cette grave dérive de la majorité parlementaire. Ils gardent un silence inquiétant. Sont-ils tétanisés par ces événements ou ont-ils délibérément opté pour le choix de ne pas se mêler de ce qui ne les regarde pas ? En fait, cette histoire de l’APN concerne tout le monde. Elle nous regarde tous car nous sommes le peuple et c’est grâce à nos voix que ces députés y siègent et délibèrent. Elle n’est pas uniquement inter ou intra parlementaire comme essaient de nous le faire croire certains députés qui font partie des frondeurs.
Nous constatons, jour après jour, depuis presque trois semaines maintenant, une atteinte grave à cette institution de la République par ceux-là même qui sont, en principe, garants des lois et donc de l’ordre et la discipline et nous ne réagissons pas. Nous pensons qu’il est temps que ceux, parmi l’élite intellectuelle qui ont quelque chose à dire, quelque conseil à donner aux uns et aux autres, aux députés frondeurs et au président de l’APN, de se manifester sur la scène politique par des écrits, des débats, des interviews… Nos députés semblent ignorer les lois qui régissent le fonctionnement de l’APN. Ils cherchent par tous les moyens, même illégaux, à destituer, à faire démissionner leur président alors que celui-ci maintient mordicus (et il a raison) qu’il ne s’en ira… qu’en cas d’injonction du président de la République lui-même. D’où l’impasse. D’où la crise. Mais, en fait, cette crise est systémique et tôt ou tard elle aura des répercussions sur les autres institutions de l’Etat si rien n’est fait dès maintenant pour la juguler ou, du moins, la contenir.
Régulièrement, nous lisons la presse algérienne. Chaque matin que Dieu fait, nous attendons que celle-ci nous apporte des nouvelles allant dans le sens du dénouement heureux de cette gravissime affaire. Chaque matin, nous attendons que certains de nos intellectuels interviennent dans cette presse pour nous éclairer sur les tenants et aboutissants de cette affaire. Mais, à part les comptes rendus des journalistes qui suivent de près ou de loin ce qui se passe au boulevard Zighoud-Youcef, il n’y a rien à se mettre sous la dent. Rien qui puisse étancher notre soif de savoir, rien qui puisse satisfaire notre curiosité. Et plus le temps passe, plus l’inquiétude s’empare de nos esprits de citoyens lambda.
La vox populi avait souligné, dès le départ, que toute cette affaire était montée de toute pièce pour qu’elle aboutisse, in fine, à la dissolution de l’APN et donc au prolongement de l’actuel mandat présidentiel d’Abdelaziz Bouteflika. Mais peut-on faire confiance à la vox populi ? Peut-on prendre pour des analyses sérieuses ce que dit «l’homme de la rue» ?
Et, devant la ténacité du président de l’APN, les «députés» cadenassent l’APN. Du jamais vu en Algérie ou ailleurs. Comment peut-on définir ce comportement ?
Assurément, nous avons, là, affaire à des «baltaguia». De quel droit ces membres du FLN, du RND et d’autre partis suiveurs, cadenassent-ils une institution républicaine, même si celle-ci ne joue pas, par ailleurs, son rôle comme il se doit ? Qu’ils aillent, au point où ils en sont, cadenasser le palais d’El-Mouradia, le palais du gouvernement et toutes les autres institutions de la République !
Nous réitérons à cette occasion notre appel à Saïd Bouhadja, le président incontesté et incontestable de l’APN, de résister à ces opposants qui ne défendent, en fait, que leurs privilèges.
Et comme cela ne suffisait pas, les frondeurs, manipulés par des marionnettistes, passent à la vitesse supérieure : ils réunissent un bureau fantoche et prennent la décision de se débarrasser de leur président avec une facilité déconcertante. L’affaire est conclue en deux temps trois mouvements, pensent-ils.
Cette décision des «députés» qui se sont réunis sans la présence du président de l’APN est nulle et non avenue. Par ailleurs, le poste de président de l’APN n’a jamais été vacant puisque celui-ci est empêché de force de rejoindre son bureau (l’entrée de l’APN étant cadenassée). Dans tous les cas, c’est une première dans les annales des démocraties parlementaires. Quoiqu’en Algérie, avec ce genre de «représentants», on ne peut pas vraiment parler de démocratie.
A. G.
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