Mort programmée
Par Bachir Medjahed – Faut-il mettre une dose d’«intelligence» dans le «réajustement» opéré au Parlement ? La mise hors-jeu (ou l’auto-mise hors-jeu) des députés de l’opposition traduit la certitude que dans le cadre du système actuel, la vie parlementaire politique n’a pas besoin qu’il existe une opposition.
Quelle contribution de l’opposition parlementaire à l’action législative ? Si nous devons l’évaluer, quelle note lui attribuerait le jury ? La même question concerne ce qu’on appelle la «majorité». Depuis que les partis de la «majorité» se sont fixé pour mission de constamment réduire l’opposition à l’impuissance législative, il n’y a plus d’enjeux susceptibles d’attentions médiatiques.
Vu de l’extérieur, le Parlement se présente comme une boîte noire (terme utilisé dans l’avionique) avec une entrée pour le projet de loi et une sortie qui élimine le terme de projet.
Si on met en exécution la décision de boycott par la télévision de ce qui est appelé un débat dans l’enceinte parlementaire, c’est l’acte de décès cathodique du parlementaire qui est ainsi signé, ce qui revient à dire que les électeurs ne savent plus ce qui s’y passe.
Or, c’est une Assemblée élue qui existe, en principe, du fait des choix des citoyens. Alors, s’il peut être transmis aux députés des consignes de vote, où ceux-ci doivent-ils les prendre ? Consignes de vote de leurs partis ou consignes de vote de leurs électeurs ?
Mais, compte tenu qu’ils sont élus sur un scrutin de liste et non nominatif, ils sont donc plus redevables à leur parti qui a bien voulu accepter de les parrainer qu’aux électeurs qui ont opté pour la liste, c’est-à-dire pour le parti. Les députés représentent donc leur parti en priorité et, ensuite, les électeurs qu’ils ne consulteraient pourtant pas.
Le mode de scrutin de liste désindividualise ainsi le choix des électeurs, ce qui enlève tout intérêt au suivi des débats des parlementaires. Il suffit d’écouter les discours des secrétaires généraux des partis, hors enceinte parlementaire, sur tel ou tel thème, pour anticiper sur l’issue des amendements éventuels, donc du vote. Pas de suspense. S’il s’agit pour les députés de faire taire leur conscience pour s’astreindre à une discipline de vote, les partis seraient mieux inspirés de s’entendre pour solliciter la confiance sur leurs sigles plutôt que sur des candidats.
Nous sommes donc dans une situation où les députés obéissent aux consignes de vote de leur parti, où ces partis dits de la majorité sont représentés au sein du gouvernement, où l’opposition réduite à son impuissance législative ne peut que donner des coups d’épée dans l’eau, sans même produire des ondes. Le fait majoritaire fait jouer au Parlement le rôle de l’instrument de légalisation du gouvernement.
Dans ces conditions, il sera difficile, pour ne pas dire impossible, pour ne pas dire impensable, que le Parlement puisse réellement exercer sa mission de contrôle de l’action gouvernementale, à moins qu’il ne s’agisse que de se féliciter que le gouvernement «fait bien son travail». S’il s’agit d’un contrôle politique, les députés de la majorité ne peuvent pas désavouer la ligne de leur parti, lesquels, au sein de l’Exécutif, traduisent en programme d’action les orientations du président de la République.
S’il s’agit d’un contrôle de la mise en œuvre de ce programme, le Président a mis en place les instruments de suivi et de contrôle de réalisations matérielles et immatérielles en dehors des partis et du Parlement.
S’il s’agit de la prise en charge des doléances des citoyens, une structure au sein de la présidence de la République s’en acquitte en conformité avec la loi. La justice également, quand elle est actionnée par un quelconque demandeur, se charge de dire le droit. En principe.
Alors, il serait intéressant que des clarifications assez larges et précises soient données sur les véritables attributions et les modalités d’exercice du contrôle de l’action gouvernementale.
B. M.
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