Qu’est-ce qui fait tomber un régime ?
Par Bachir Medjahed – Un régime chute-t-il pour des raisons liées aux conditions socio-économiques de son peuple, ou de celles des frustrations politiques liées à l’absence de libertés publiques et politiques, ou bien tout simplement pour des enjeux d’intérêts ? Quelle part pour la corruption élargie et approfondie ? Certainement que la réponse n’est pas en dehors des causes citées ci-dessus et en constitue une combinaison. Un peu de tout, car tout est lié.
Les frustrations populaires datent de quelques années quand des jeunes pratiquaient la harga et disparaissaient en Méditerranée faute de perspectives pour eux. Le principe d’égalité des chances n’avait pas été fondé comme celui de droits et même des devoirs. Concernant, par exemple, notre voisin, puisqu’on dit que le «printemps arabe» avait démarré de là-bas, on parlait à l’époque du «miracle tunisien». Face aux sorties dans la rue de manifestants tunisiens, toutes catégories confondues, pour revendiquer les libertés, le président Chirac lui-même disait que la démocratie n’était pas une priorité par rapport aux conditions socio-économiques qui sont, selon lui, en nette progression. En quelque sorte, «il vous suffit de trouver à manger, ne réclamez pas la démocratie !».
Si au moins il pouvait exister d’autres espaces de discussion. On disait de Ben Ali qu’il n’avait pas de vision politique. Il n’y avait pas d’équité dans l’accès aux privatisations des entreprises et au marché informel, tous secteurs étant réservés à la belle-famille du président. A l’époque déjà, le nombre de diplômés chômeurs était estimé à quarante mille. Du chômage «radioactifs». La politique interne reposait sur le dogme de la fermeté. La répression était si forte que même les opposants de tous bords idéologiques arrivaient à s’unir contre le régime au pouvoir. N’est-ce pas le cas de tous les pays dont on dit qu’ils sont nos frères ?
Explosion sociale ? Explosion politique ? Explosion à causes multiples ?
Les syndicats prennent la défense des travailleurs et tout le monde oublie qu’une part importante des potentiels révoltés est constituée par des chômeurs. Comment faire fonctionner une politique économique libérale dans un pays qui n’est pas tout à fait prêt à entrer dans un environnement international de forte concurrence, préserver nos chances de disposer d’une industrie nationale dans un contexte où le processus de privatisation ne va pas emprunter une voie à grande vitesse ? Autant de questions qui mériteraient bien des réponses de la part de ceux qui aspirent à accéder au pouvoir pour appliquer leur programme économique.
B. M.
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