Contribution – Extraits d’écrits de Saïl Mohamed (2)
Par Mesloub Khider − «Le plus bel hommage que nous puissions rendre à un auteur n’est pas de rester attachés à la lecture de ses pages, mais plutôt de cesser inconsciemment de lire, de reposer le livre, de le méditer et de voir au-delà de ses intentions avec des yeux neufs.» (Charles Morgan)
«Messieurs les bourgeois et vos valets de tous poils, malgré la haute prétention du Napoléon et (…) qui espère museler les subversifs (…), le groupe anarchiste algérien est décidé à démontrer à l’opinion publique vos crimes, vos ignominies que vous voulez baptiser du mot “civilisation”.»
1929
«Les colonisateurs et les marchands ont suivi la route tracée dans le sang du peuple arabe par les conquérants ; les uns ont dépossédé les indigènes et courbé sous leur joug hommes, femmes et enfants ; les autres se sont efforcés d’acquérir pour rien les produits naturels tout en vendant fort cher ce qu’ils apportaient. Concessionnaires et banquiers sont venus doubler l’ancien esclavage et, unis à la féodalité indigène, ont fait régner dans le pays conquis la plus dure exploitation.»
«Ainsi ce peuple, qui ne demandait rien à personne, a vu s’ajouter à la tyrannie de ses anciens maîtres celle des maîtres nouveaux.»
«Economiquement et politiquement, le peuple algérien est absolument esclave, deux fois esclave. Il ne possède réellement que deux droits : souffrir et payer, souffrir en silence et payer sans rechigner.»
«Les Algériens qui ont pu quitter ce pays inhospitalier sont solidaires de leurs frères restés de l’autre côté de la Méditerranée.»
«Ils espèrent que leur appel sera entendu tout particulièrement par leurs frères : les travailleurs français. Et, en revanche, ils assurent ceux-ci de leur solidarité dans les luttes qu’ils entreprendront pour la libération commune. Ils savent que Français et Algériens n’ont qu’un ennemi : leur maître. Fraternellement unis, ils sauront s’en débarrasser pour fêter ensembles leur affranchissement.»
1930
«Non, n’attendez rien d’Allah, les cieux sont vides et les dieux n’ont été créés que pour servir l’exploitation et prêcher la résignation.»
«Nous ne sommes pas adversaires de l’organisation de groupes d’autodéfense du prolétariat… Coup pour coup ! Œil pour œil, dent pour dent ! Tels doivent être les mots d’ordre de lutte antifasciste…»
«Vos exploiteurs ne vous considèrent pas comme des hommes, mais comme des esclaves bons à tout supporter…»
«Aux travailleurs algériens ! Bravo ! Tu commences à te réveiller, tu entres dans la lutte sociale après avoir compris que tu es trop opprimé. Mais, hélas ! Croyant te libérer de la peste française qui te ronge, tu veux te rejeter vers le choléra islamique, qui te détruira pareillement, ou vers la politique, qui te dévorera […]. Anarchistes, nous te disons : À bas tous les gouvernements et tous les exploiteurs, qu’ils soient roumis ou musulmans, car tous veulent vivre sur le dos des travailleurs…»
1935
«Jaloux des lauriers du pape Staline qui est en train d’imposer sa dictature au monde arabe, tel l’Iran et la Turquie dont il veut s’accaparer, en vertu sans doute du droit des peuples à se diriger eux-mêmes, nos communistes repartis de France tentent de vous imposer avec une fausse doctrine dont le but est de profiter de votre crédulité… Travailleurs algériens ! Pour qu’il n’y ait plus de caïds, de députés ou de marabouts endormeurs du peuple venez avec nous !»
1946
«Pour l’indigène algérien, la discipline est une soumission dégradante si elle n’est pas librement consentie. Cependant, le Berbère est très sensible à l’organisation, à l’entraide, à la camaraderie mais, fédéraliste, il n’acceptera d’ordre que s’il est l’expression des désirs du commun, de la base. Lorsqu’un délégué de village est désigné par l’Administration, l’Algérie le considère comme un ennemi.»
«Tout le monde parle encore de Dieu, par habitude, mais en réalité plus personne n’y croit.»
«J’avoue que le dieu arabe de nos sinistres pantins d’Algérie a bien fait les choses, puisque la guerre judéo-arabe nous révéla que les chefs de l’islamisme intégral ne sont rien d’autre que de vulgaires vendus aux Américains, aux Anglais, et aux Juifs eux-mêmes, leurs prétendus ennemis. Un coup en traître pour nos derviches algériens, mais salutaire pour le peuple qui commence à voir clair.»
«Rien à faire, les Algériens ne veulent ni de la peste, ni du choléra, ni d’un gouvernement de roumi, ni de celui d’un caïd. D’ailleurs, la grande masse des travailleurs kabyles sait qu’un gouvernement musulman, à la fois religieux et politique, ne peut revêtir qu’un caractère féodal, donc primitif. Tous les gouvernements musulmans l’ont jusqu’ici prouvé.»
«Quant au nationalisme que j’entends souvent reprocher aux Algériens, il ne faut pas oublier qu’il est le triste fruit de l’occupation française. Un rapprochement des peuples le fera disparaître, comme il fera disparaître les religions. Et, plus que tout autre, le peuple algérien est accessible à l’internationalisme, parce qu’il en a le goût ou que sa vie errante lui ouvre inévitablement les yeux. On trouve des Kabyles aux quatre coins du monde ; ils se plaisent partout, fraternisent avec tout le monde, et leur rêve est toujours le savoir, le bien-être et la liberté.»
«Le Kabyle est capable d’entraîner le reste du peuple algérien dans la révolte contre toute forme de centralisme autoritaire.»
«Les Algériens se gouverneront eux-mêmes à la mode du village, du douar, sans députés ni ministres qui s’engraissent à leurs dépens, car le peuple algérien libéré d’un joug ne voudra jamais s’en donner un autre, et son tempérament fédéraliste et libertaire en est le sûr garant. C’est dans la masse des travailleurs manuels que l’on trouve l’intelligence robuste et la noblesse d’esprit, alors que la horde des “intellectuels” est, dans son immense majorité, dénuée de tout sentiment généreux.»
«Prenez garde qu’un jour les parias en aient marre et qu’ils prennent les fusils pour les diriger contre leurs véritables ennemis, au nom du droit à la vie…»
M. K.
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