Qui déradicalise ?
Bachir Medjahed – Il ne s’agit pas du fait que la vigilance demeure la seule démarche permanente des institutions de sécurité et que les autres dossiers liés à toutes les thérapies soient mis sous le coude. D’abord, il importe nécessairement que les grandes politiques en matière de traitement du phénomène du terrorisme soient marquées du sceau de la continuité. Il faudrait une fois pour toutes lever certaines ambiguïtés.
Dans quelle mesure la démocratie pleine et entière pourrait-elle constituer l’indispensable composante de la lutte globale contre le terrorisme ? Dans quelle mesure la lutte transparente contre la corruption contribuera-t-elle irréversiblement et avec efficacité à placer les populations dans la posture recherchée et à élargir celle-ci à la dénonciation des recrutements et des tentatives de recrutement opérés au niveau des quartiers par les forces de la subversion ?
Dans quelle mesure l’absence de tradition de débat parlementaire de façon transparente laissera chacun avec ses propres convictions et continuera à faire de la suspicion à l’égard de l’autre le milieu générateur de sa stratégie ? Le débat libre et sans contrainte induira-t-il fatalement, même si c’est à terme, des décantations par suite d’auto-interpellation de sa propre conscience et fatalement des remises en cause ?
Même si on accepte de dire (comme le disent certains analystes) que le terrorisme est un phénomène, il n’en demeure pas moins que les jeunes apprentis terroristes sont orientés vers des motivations politiques. Ce n’est pas uniquement par le format calculé des forces armées, des forces de sécurité ou des équipements «appropriés» qui finiront par en venir à bout. Les kamikazes sont parfois des adolescents qui, en vertu de leur âge, devraient être à la recherche de leur propre vie et non de celle de la destruction des autres. Il faudrait donc comprendre les profondes motivations de ceux qui l’ont endoctriné, comprendre pourquoi les institutions n’ont pas pu contrecarrer cet endoctrinement, pourquoi ce jeune accepte de se faire exploser.
Si le terrorisme est dit vaincu militairement, il ne l’est sûrement pas sur le plan du contre-endoctrinement. Qui est chargé de cette lutte ? Nul ne le sait. Pas même les imams qui doivent en prendre la tête.
Il y a bien des institutions qui auraient dû se fixer ce genre de missions, qui auraient dû prévoir déjà des thérapies adéquates, qui auraient dû les mettre en œuvre ou les faire mettre en œuvre. Comme le disait feu Aboubak Belkaïd, «les batailles perdues sont celles qu’on n’a pas livrées».
A quoi cela nous avance-t-il que des gouvernements successifs se mettent en contradiction, les uns déclarant qu’il s’agit d’un terrorisme islamiste, que d’autres ne soufflent mot du caractère islamiste accolé au terrorisme ?
Il y a bien des clarifications à apporter. Faudrait-il subordonner toute la politique intérieure aux exigences de la sécurité et toute la politique extérieure aux exigences de la défense ? Qui de la sécurité et de la démocratie est ou n’est pas une composante de l’autre ?
A toute politique choisie devrait également, inévitablement, correspondre le choix des hommes devant être capables de l’appliquer sans écart de compréhension.
Les choix politiques devront également être assumés.
B. M.
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