Le message de Tunis
Par Bachir Medjahed – Le terrorisme nous a adressé un «message» à partir de la Tunisie. Il nous dit qu’il n’a pas abandonné le projet d’une paralysie de l’économie, d’un parasitage du fonctionnement du système politique avec, à terme, un isolement de la diplomatie et, pratiquement, une interdiction à l’Etat de récupérer la capacité à gouverner.
Malgré ce qui est présenté comme étant une déroute militaire des groupes armés, le terrorisme ne tire pas uniquement de sa survie les éléments de son éventuel renforcement. Il les tire également des divergences qui minent la classe politique et de la croyance de cette dernière que la lutte contre le terrorisme n’est du ressort que des seuls services de sécurité. Il les tire aussi de la puissance des problèmes identitaires non reconnus, non résolus des populations particulières dans le Nord des pays de Sahel, ce qui crée de larges brèches qui augmentent la marge de manœuvre des terroristes.
Gaspillage ou rentabilisation de l’usage stratégique des moyens militaires ? Inadaptation des institutions aux exigences des missions à exercer en amont des insécurités ? Impossibilité à trouver les instruments de dissuasion des terroristes ? Peut-on dissuader ceux qui acceptent de se faire exploser et qui croient qu’en devenant des bombes humaines, ils entrent encore plus dans la grâce de Dieu ? Un attentat de plus est un attentat de trop.
Le décrochage de la classe politique prive ainsi la lutte antiterroriste d’une dimension importante, aussi indispensable que la composante «militaire». L’emploi des moyens de force consiste à neutraliser – à tenter de neutraliser – les terroristes, tandis que la partie immatérielle, attribut des institutions civiles, des partis, du mouvement associatif, devrait être investie bien amont de la naissance des vocations aux métiers de terroristes.
Deux axes principaux pour la lutte contre le terrorisme. Comment lutter à la fois sur le plan «militaire», c’est-à-dire par l’emploi des moyens de force, et lutter sur le plan immatériel, c’est-à-dire sur le plan des idées, celui du renseignement, celui de la contre-subversion, du contre-endoctrinement, pour réarmer le moral des jeunes et de l’ensemble des composantes de la nation ?
Quelle posture de vigilance ? Comment l’adopter ? Il ne s’agit plus seulement de suspecter les sacs abandonnés. La pratique des attentats est passée à un stade plus extrême. Des bombes humaines et des camions piégés conduits par ceux qui ont accepté la mort pour eux. Que pouvaient faire les forces de de sécurité tunisiennes face à une fille décidée à mourir ?
Nous sommes dans une situation où il serait plus que nécessaire d’éviter les discours à effets d’annonce dans un contexte d’existence de nombreux foyers de crise et où les forces de sécurité découvrent que les interventions sont à longue durée et que la pratique de la violence peut se prolonger indéfiniment.
Comment donc évaluer la situation dans une marge d’incertitudes la plus étroite possible ?
B. M.
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