Lutte contre le terrorisme : coopération ou soumission aux Etats-Unis ?
Par Bachir Medhajed – Le thème de la coopération en matière de lutte antiterroriste est inépuisable et il serait bon qu’on ne l’évacue pas dans notre vie quotidienne. On sait que des radars scrutent l’ensemble des pays arabes. Des inspections de grande proximité. Des attentions soutenues. Autant de la part des pays occidentaux que du reste du monde. Autant, surtout, des opinions publiques nationales qu’internationales. Aucun pays arabe n’échappe à la question de savoir s’il est réellement autonome, responsable. Les raisons en sont multiples.
Que de fois la presse nationale annonce que l’Algérie est considérée comme un pivot dans la lutte globale internationale contre le terrorisme. Un pivot autour duquel s’articulent actuellement les politiques internationales de lutte antiterroriste. Egalement, un relais dans l’architecture internationale de sécurité définie et animée par les Etats-Unis. Dès qu’un Américain de haut rang fait des déclarations quand il est en visite officielle en Algérie, une interprétation de ses propos laisse entendre que l’Algérie poursuit l’atteinte des objectifs américains dans la région. Quel genre de relations algéro-américaines pourrait découler de ces perceptions quand il est souvent répété que les Etats-Unis développent une politique de domination dans le monde ?
Depuis la fin de l’URSS, les Etats-Unis sont passés du stade de grande puissance à celui d’hyperpuissance. Sans adversaire de taille. Incontournable dans les questions que celle-ci considère comme hautement stratégiques. Les autres pays, y compris le nôtre, pour des raisons de realpolitik, savent que les données ont changé. Aucun pays ne peut se payer le luxe de devenir ennemi des Etats-Unis. Aucun, pour le moment.
Mais cela voudrait-il signifier que, fatalement, tous les pays, y compris le nôtre, devraient se soumettre inconditionnellement aux Etats-Unis ? Prenons un exemple. La lutte globale contre le terrorisme dans la région sahélo-saharienne a-t-elle été de l’initiative américaine, de la nôtre ou des deux en même temps, car les intérêts se confondent ? La région sahélo-saharienne est notre étranger proche. Compte tenu qu’Al-Qaïda y trouve son refuge et ses armes et en fait acheminer vers l’Algérie pour y commettre des attentats, sans doute que la sécurité nationale est mise en péril à partir de cette région. Sans doute qu’Al-Qaïda a choisi cette région pour compenser la perte de l’Afghanistan comme son sanctuaire et qu’à ce titre elle ne doit pas sortir des radars américains. Nous ne pouvons donc dire qu’il s’agit d’une stratégie exclusivement algérienne, ni exclusivement américaine.
La perception qu’il s’agirait d’une coopération sur instructions serait porteuse de danger car, là où les Américains se trouvent, où leurs intérêts se trouvent, plus particulièrement dans les pays musulmans, c’est Al-Qaïda ou Daech qui s’y présentent pour recruter sur place et faire une OPA sur les mouvements terroristes qui agissent localement.
Pour une fois, inversons la question. Se pourrait-il qu’il soit possible de considérer que pour ce qui concerne notre étranger proche, en particulier la région sahélo-saharienne, ce sont les Américains qui s’inscrivent dans la stratégie algérienne ?
Pourquoi faudrait-il croire que l’Algérie est un pilier dans la stratégie américaine portant sur le Sahel ? Un pilier, c’est-à-dire un sous-traitant ? Les conseillers américains peuvent toujours exprimer leurs ambitions, à savoir faire des pays maghrébins des piliers de «leur» propre lutte contre le terrorisme et selon leurs propres visions, ou encore intégrer les armées arabes dans leur initiative de défense coopérative, ce qu’ils envisageaient de faire – est-ce fait ? – soit comme forces supplétives maquillées par l’appellation de pivots dans l’architecture internationale de sécurité, soit comme forces capables d’agir par procuration américaine.
L’interprétation selon laquelle ce sont les Algériens qui s’inscrivent dans la stratégie américaine du Sahel serait une tentative de faire discréditer la thèse de l’indépendance de la décision algérienne. L’absence de correction de trajectoire de cette tendance à aller à contre-courant de la diplomatie algérienne est difficilement compréhensible.
B. M.
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