Crise libyenne : l’ONU enterre discrètement le plan de paix français
Par Sadek Sahraoui – L’Italie organise la semaine prochaine à Palerme une conférence internationale sur la Libye au cours de laquelle la nouvelle feuille de route de Salame, l’envoyé spécial de l’ONU pour la Libye, sera discutée. Nouvelle car il a fini par changer d’épaule et abandonné l’idée d’organiser des élections le 10 décembre prochain.
Au cours des dernières semaines, les puissances occidentales ayant participé à la rencontre de Paris sur le conflit libyen et les Nations unies ont, en effet, discrètement cessé de parler du projet d’organiser des élections en décembre, sans toutefois le déclarer officiellement mort. La raison ? Ils ne veulent pas se discréditer aux yeux de l’opinion internationale. «L’idée est maintenant que Salame parle d’une conférence nationale et de réformes économiques en espérant que la date du 10 décembre disparaîtra tranquillement», a confié à Reuters une source occidentale au courant des projets de l’ONU.
Assez discrets sur le dossier libyen, les Etats-Unis estiment aussi qu’il est prématuré de parler actuellement d’élection et suggèrent plutôt d’œuvrer en faveur d’une réconciliation inter-libyenne, d’une amélioration de la gouvernance et du renforcement de la sécurité. «Je pense que tout faire dépendre d’une élection n’a pas été une stratégie efficace», a déclaré à Reuter un responsable américain.
En mai dernier, la France avait fait un forcing pour faire avaliser l’idée qu’organiser des élections le 10 décembre pourrait être la panacée aux problèmes des Libyens. Mais après des semaines de combats entre milices rivales dans la capitale Tripoli et les désaccords persistants entre Tripoli et Tobrouk ont rendu cet objectif irréaliste.
L’abandon de l’option des élections est un sérieux revers diplomatique pour Paris qui a contribué à renverser Mouammar Kadhafi il y a sept ans. C’est aussi un échec pour Ghassan Salamé qui a soutenu le plan de sortie de crise français. Au lieu de plaider pour un vote comme objectif à court terme, Ghassan Salame se voit ainsi contraint, ce jeudi, de faire un briefing au Conseil de sécurité des Nations unies au cours duquel il défendra plutôt l’importance d’organiser une conférence nationale l’année prochaine et de remettre sur pied de l’économie libyenne. Un véritable virage à 180 degrés.
La conférence viserait, a confié un diplomate à Reuter, à forger un consensus dans un pays divisé où activent des centaines de milices armées contrôlant des villes et parfois des régions entières. Salame plaidera également pour que des réformes économiques soient mises en place afin de mettre fin à un système qui bénéficie plus aux groupes armés qui ont accès à des dollars bon marché en raison de leur pouvoir sur les banques. Le gouvernement basé à Tripoli et le Parlement basé à l’Est n’ont fait aucun commentaire dans l’immédiat sur le recentrage que vient d’opérer l’ONU.
Les efforts de l’ONU pour stabiliser la Libye ont longtemps été compromis par les guerres d’influence que se livrent certains pays occidentaux et arabes par milices interposées. La communauté internationale soutient officiellement le gouvernement d’union basé à Tripoli. L’Egypte et les Emirats arabes unis apportent, quant à eux, leur soutien à Haftar et les Etats européens. Ils ont été rejoints par la suite par la France qui est apparue être en grande concurrence avec la France.
S. S.
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