Le droit civil encerclé
Par Bachir Medjahed – Conseil constitutionnel pour dire le droit civil, soit la conformité des lois à la Constitution ; Haut Conseil islamique certainement pour fixer des «lignes rouges» à l’éducation nationale, soit les garde-fous identitaires ; Conseil des oulémas pour veiller à la conformité des lois et des comportements à la Charia ; associations des imams pour occuper le terrain des prêches et jouer un rôle syndical. Les rapports de force sont évidents : le droit civil est encerclé par le droit religieux.
Lorsque le Haut Comité d’Etat avait reçu les partis politiques dans les années 1990, l’objectif était d’établir un dialogue avec l’ensemble de la classe politique, tous courants confondus. Dialogue ou négociation ? Déjà que le dialogue lui-même est en crise et qu’il constitue même un facteur aggravant de celle-ci, comment alors imaginer une négociation ?
La discussion avait duré au moins cinq heures à la Présidence. Il s’agissait pour le HCE d’amener Abdallah Djaballah à reconnaître le caractère «légiférant» du Parlement provisoire. Pas facile de le faire admettre au président d’Ennahda à l’époque, lequel finit par accepter. Il y avait eu un grand soulagement car le «oui» d’un Djaballah, surtout d’un Djaballah, serait une reconnaissance du courant «laïc» ou «occidentalisé», tel que lui-même d’ailleurs le désigne à ce jour.
Djaballah avait néanmoins posé une condition : la mise en place d’un Conseil d’oulémas chargé de contrôler la conformité à la Charia de toutes les lois votées par le Parlement et des décisions prises par le gouvernement. C’était à l’époque du HCE, et ce dernier exerçait la fonction de président de la République pour le temps qui restait à parcourir du mandat du président démissionnaire Chadli Bendjedid.
Djaballah a-t-il obtenu, vingt-quatre ans plus tard, ce qu’il «exigeait», à savoir la création du Conseil des oulémas et la soumission à celui-ci de tout texte pouvant avoir des conséquences sur l’identité nationale afin que ce conseil vérifie que les «lignes rouges» ne sont pas franchies ? La rencontre de la ministre de l’Education nationale avec le président de cette instance qui ne s’est pas privé de citer des «lignes rouges» est-elle l’aboutissement de la recommandation faite par le président d’un parti islamiste plus de deux décennies auparavant ?
B. M.
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