Comment un club de football français a réinventé le système d’indigénat
Par R. Mahmoudi – Selon des révélations du site d’investigation Mediapart, publiées jeudi, le Paris Saint-Germain (PSG) a fiché, entre 2013 et 2018, des joueurs recrutés par ce club selon leur appartenance ethnique ou la couleur de leur peau : «Français», «Antillais», «Maghrébin» ou «Africain».
Dans un communiqué rendu public le jour même, le club parisien a confirmé l’existence d’un fichage ethnique au sein de la cellule de recrutement des jeunes durant la période indiquée mais souligne qu’il s’agissait de «l’initiative personnelle» d’un des responsables du service. Tentant de se justifier, la direction de ce club de football affirme que des formulaires avec des «contenus illégaux» ont été utilisés entre 2013 et 2018 par la cellule de recrutement du centre de formation, dédiée aux territoires hors Ile-de-France, tout en dénonçant une «initiative personnelle du responsable de ce département». Ces formulaires, d’après Mediapart, comportaient des champs de catégories à renseigner : «Français», «Maghrébin», «Antillais» ou «Africain».
Il est clair que les dirigeants du PSG cherchent, ici, à se dédouaner, en évoquant la thèse de l’«acte isolé». Mais leur argument reste peu convaincant car il est inadmissible que la direction ne fût pas au courant d’une pratique qui s’est poursuivie pendant cinq ans. Ce scandale rappelle, à bien des égards, la polémique sur la pratique de la torture pendant la Guerre de libération en Algérie. Face aux premières accusations (le Manifeste des 121, Henri Alleg, le rapport de Michel Rocard…), les responsables politiques français disaient qu’il s’agit d’«actes marginaux», avant de reconnaître son caractère systématique dans les lieux de détention.
Cette grave stigmatisation raciale vient mettre à nu la fatuité des discours politiques français sur l’intégration et rappelle que le système d’indigénat de triste mémoire est toujours en vigueur sous des formes moins apparentes. Elle sonne comme une insulte à la contribution visible et dominante des éléments issus des pays anciennement colonisés dans l’actuelle équipe de France de football, vainqueur de la Coupe du monde 2018. C’est, en même temps, une injure à la valeur de tous les joueurs africains, et notamment algériens, qui ont fait la gloire du club parisien et parmi lesquels on cite toujours sa coqueluche dans les années 1970, Mustapha Dahleb.
R. M.
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