Victimes des discours
Par Bachir Medjahed – Les travailleurs ont souvent été victimes des discours présidentiels. Des discours créent des hallucinations collectives. Les travailleurs ont l’impression, la certitude même, que dans cette salle bondée, les présidents s’adressent à eux, et rien qu’à eux, les yeux dans les yeux. C’est leur fibre sensible qui vibre. Ils sont mobilisés et reçoivent directement des ordres des présidents quand ceux-là les incitent à agir.
Rappelons-nous quand le défunt président Chadli les invitait à dénoncer les gabegies. Ils n’ont fait ni une ni deux. En tant que patriotes, ils se sont mis à dénoncer la mauvaise gestion de leurs dirigeants. Ils ont dénoncé l’usage des véhicules de service à des fins personnelles. Ils ont désigné le gaspillage, la corruption des dirigeants. Ils ont dénoncé si bien, si fort, si haut qu’ils ont obtenu… leur licenciement. Plus personne pour les écouter. Plaintes devant les tribunaux. Refus des dirigeants de les intégrer. Grève de la faim sur l’esplanade la Concorde. Devant la porte du siège de l’UGTA.
Quand et par qui furent menées les batailles pour la production et la productivité ? Les travailleurs en entendaient parler mais n’ont pas vu de champ de bataille.
Le FMI a eu sa part. Les populations algériennes ont toujours eu une mauvaise appréciation des institutions financières internationales dont pratiquement le FMI. Pourquoi le FMI spécialement? Parce que celui-ci est présenté comme s’opposant à l’augmentation du pouvoir d’achat par les augmentations des salaires, s’opposant également aux subventions et à toute dépense publique qui ne soit pas consacrée aux investissements publics.
Que faire dans ces conditions pour épargner le prix de la répression à des populations qui estiment qu’elles sont victimes de programmes socio-économiques qui mènent vers le chaos et qu’elles n’ont pas choisis ? Elles se rappellent des slogans des années 1970 déclarant la guerre contre les gabegies et dont on ne sait pas par qui celle-ci a été faite, ni quand elle fut menée. Les «travailleurs» ne sont pas responsables des choix stratégiques des pouvoirs publics.
Les populations (travailleurs ?) reprennent les slogans de la révolte d’Octobre 88. On retrouve les mêmes acteurs prêts à politiser les slogans et en pire car, cette fois-ci, il y a des partis qui, par rapport à Octobre 88, existent maintenant sur le terrain contrairement à 1988. Fait aggravant, les populations de jeunes ne sont plus inhibées et peuvent être enrôlées dans les rangs de la subversion.
Peut-on aujourd’hui reprendre les mêmes slogans et retrouver pratiquement les mêmes acteurs ? La conjoncture est plus difficile et donc plus encline à favoriser l’enlisement.
B. M.
Comment (5)