La crise est-elle politique ou économique ?
Par Bachir Medjahed – On ne va jamais au fond de nos analyses. Il nous arrive d’ouvrir des pistes de réflexion mais nous créons nos propres obstacles pour ne pas avoir à les emprunter. Peut-on parler de bonne gouvernance sans le passage obligatoire par la démocratie ? Bonne gouvernance sans débat ? Sans accepter d’étaler nos contradictions ? Bonne gouvernance quand l’argent sert à acheter des mandats politiques ? Bonne gouvernance quand il y a plusieurs générations entre le pouvoir et les gouvernés ?
De quelle(s) crise(s) faudrait-il sortir ? La crise ne serait pas politique. Pourtant, même nos économistes ne peuvent pas évacuer la politique de leurs analyses. Il n’existe aucun économiste capable d’analyser une situation économique sans y intégrer la politique. Si les programmes d’action ne sont pas appliqués de façon à donner satisfaction, il faudrait fatalement faire une incursion dans le domaine politique.
Si nous sommes encore très loin de nous passer des recettes provenant des hydrocarbures, bien que tous les gouvernements successifs aient fixé l’objectif d’augmenter considérablement les exportations hors hydrocarbures, il ne convient pas d’en incriminer nos économistes et nos entreprises, publiques et privées, mais de chercher les coupables du côté de nos politiques.
Il faudrait bien, pourtant, que l’on se mette tous d’accord sur la nature de la crise car sans consensus, il ne peut y avoir de thérapies consensuelles.
Il y a quand même des partis politiques qui disent qu’il y a une crise politique, une crise de légitimité, et on ne voit pas un dialogue s’amorcer entre le pouvoir et les partis, puisque ceux qui soutiennent le pouvoir disent le contraire, à savoir qu’il n’y a pas de crise politique. La possibilité d’un dialogue est ainsi torpillée.
Un grand problème. Les appréciations sont fonction des distances qui séparent leurs auteurs du pouvoir.
Si on vient à la vision étatique déjà exprimée par Ouyahia, selon laquelle le fait que les partis politiques participent aux élections signifie qu’il n’y a pas de crise politique, que ces partis eux-mêmes reconnaissent qu’il n’y a pas de crise politique, qu’ils acceptent les règles du jeu politique, la question se pose de savoir alors pourquoi le terrorisme n’est pas éradiqué, l’économie n’est pas relancée, la confiance en les institutions n’est pas instaurée, avec tout ce qui s’en suit.
Tous conjurent des menaces, mais tous divergent sur les sources de celles-ci.
Crise économique qui a généré la crise politique ou crise politique qui a généré la crise économique ? Sur le dos de quelle crise faudrait-il justifier la «fatalité» que l’Algérie s’embourbe dans une crise multiforme ? En absence de tradition dans la réflexion stratégique et, ainsi, fatalement avec le développement de visions qui ne peuvent qu’être polémistes, nous pouvons bien nous poser la question de savoir quelle ligne directrice politique globale suit l’Algérie. Mais il sera moins facile d’en donner les réponses.
Il y a bien les concepts de sécurité collective et de dialogue comme moyen de résolution des crises qui sont mis en avant et même souvent dans les discours, mais cela suffit-il à définir les éléments d’une ligne politique stratégique puisqu’il apparaît que les politiques d’action ne sont pas toujours, et même souvent, en accord avec ce qui est attendu des concepts, plus particulièrement celui du dialogue promis pourtant comme base de l’action stratégique quotidienne ?
Pour ce qui concerne l’arrimage à un espace géopolitique, la diplomatie donne l’impression que le pays veut contracter deux mariages en même temps, à savoir entrer dans une situation de bigamie, avec la Ligue arabe et l’Union africaine. Mais, là encore, il y a une confusion par rapport au choix de l’identité du Maghreb qui est affublé d’une identité en relation avec le monde arabe mais pas avec l’Afrique.
B. M.
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