Contribution – Un chef de gouvernement futur président de la République ?
Par Bachir Medjahed – Ceux qui nourrissent des ambitions politiques du niveau de la magistrature suprême se demandent si cela en vaut la peine, parce qu’ils redoutent encore d’avoir à faire face à un «candidat officiel». Ce n’est pas une honte d’avoir des ambitions car ne réussissent que ceux qui en ont. Seulement, il n’y a pas que pour ça qu’il faudrait avoir des ambitions. Il faudrait en avoir pour le pays.
Quand on est passé surtout par la chefferie du gouvernement, il serait anormal de ne pas voir plus haut. Premier ministre ou chef de gouvernement, on considère toujours qu’il faudrait juste un coup de main du destin pour gravir la dernière marche.
Mais, pour le moment, jamais un président n’est issu du rang des chefs de gouvernement ni sorti du champ politique. Jamais un président n’a gagné par la grâce d’un parti.
Il y a bien le FLN qui prétend qu’il est faiseur de présidents alors qu’il sait bien qu’il n’a fait que se soumettre à des «instructions d’en haut». Y a-t-il des raisons pour qu’il n’en soit pas autrement, cette fois-ci ? Depuis quand le hasard est-il laissé libre de son choix ? Depuis quand y a-t-il de la part de ceux qui ne donnent aucune chance au hasard un renoncement à leur maîtrise de l’avenir ?
Il est vrai que depuis que ceux qu’on nomme les «décideurs» avaient choisi de se mettre hors jeu dans le choix du candidat à faire réussir, depuis qu’officiellement ils se sont retirés du «parti-Etat», les ambitions et les positionnements ont été libérés, mais par rapport à des personnes et non à des idées et des visions pour le pays.
C’est également depuis l’annonce par l’armée de son retrait du FLN, ce qui a été perçu comme une auto-mise hors-jeu de tout ce qui est politique, que l’on entend pour la première fois «s’exprimer» des ambitions «cachées».
Il est impossible qu’Ouyahia et Belkhadem ne caressent pas l’espoir de «monter plus haut». Tous sont en quête d’une destinée nationale. Ils savent tous que s’engager à accéder à la magistrature suprême sans le quitus des «décideurs» est bien mortel pour les carrières politiques. Y aller contre le candidat «officiel» serait interprété comme un acte de rébellion, un défi qui n’a jamais été «pensé», encore moins osé en position de pouvoir.
Après tout, pour un chef de gouvernement, «parvenir à ce rang» quand jamais il n’a été possible, même seulement de l’imaginer, peut lui faire espérer une promotion au rang immédiatement supérieur. Personne ne reconnaît que ce rang soit celui d’un des présidents du Parlement, soit un rang purement protocolaire. Y a-t-il un seul chef de gouvernement depuis la «révolution d’octobre» qui n’ait pas pensé à se donner une destinée nationale ?
Kasdi Merbah pouvait y prétendre pour au moins deux raisons. Il avait accédé pour jouer le rôle de pompier, ce qui lui accordait toute légitimité à aller plus haut. Il fut celui qui avait désigné Chadli Bendjedid pour la succession de Houari Boumediene, selon le principe du choix du «plus ancien dans le grade le plus élevé». Puis, logiquement, ce fut Mouloud Hamrouche qui avait un programme de réformes. C’était le programme définitif pour l’Algérie car, après lui, c’est pratiquement son programme qui sera appliqué sans lui. Quand Sid-Ahmed Ghozali a occupé le palais du gouvernement, c’était, pour la première fois, le président de la République qui avait servi de fusible au gouvernement et non l’inverse.
Le suivant fut Belaïd Abdeslam. «C’est l’armée qui m’a choisi, disait-il, et pas le Haut Comité d’Etat.» Son programme, c’était l’économie de guerre. Il avait ainsi ouvert le front puis avait perdu. «Lui ou moi !» disait Ali Kafi. Ce fut lui.
Rédha Malek, qui lui a succédé, avait voulu faire changer de camp à la peur mais cela ne lui avait pas porté grâce, au moment où les décideurs voulaient éradiquer la peur et non la transférer dans un autre camp. Mokdad Sifi était en symbiose avec les cadres. Son «nous avons réussi !» devait lui ouvrir les portes de la Présidence mais cela n’avait pas suffi. Smaïl Hamdani n’a pas exprimé d’ambition présidentielle tandis qu’Ahmed Benbitour démissionnera en dénonçant un gouvernement parallèle. Dès lors qu’il s’est voulu autonome et porteur d’un programme, celui des réformes, le destin national pouvait être envisagé.
Abdelmalek Sellal a mené campagne pour le président Bouteflika en donnant l’impression qu’il portait l’habit du candidat à sa succession. Abdelmadjid Tebboune a fait un passage furtif par le Palais du gouvernement d’où il sera éjecté avant même que la fonction ait enflammé ses ardeurs politiques.
On a prêté les mêmes ambitions à Ahmed Ouyahia et à Abdelaziz Belkhadem, «à condition, disaient-ils, que le Président renonce à un autre mandat».
B. M.
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