Soyons sérieux !
Par Akram Chorfi – Comment l’Algérie peut-elle, en toute sérénité, s’ouvrir au Maroc quand, en le faisant, elle s’ouvre à des entités étrangères qui gèrent, en marionnettistes habiles, les affaires de ce royaume ? Un royaume qui a sacrifié, les uns après les autres, tous les attributs de sa souveraineté sur l’autel d’une «réussite» économique qui a érigé les clivages sociaux en mode de gouvernance.
En prônant une nouvelle ère entre les deux pays voisins, le Maroc ne cherche-t-il pas à faire assumer par l’Algérie – qui le fait déjà de façon informelle – la prise en charge de quelques pans de la société marocaine non économiquement viables au Maroc ou marginalisés par un système économique trop libéral fondé sur l’exclusion des plus vulnérables ?
La dynamique tant promise aux Marocains, qui devait mettre fin à la logique cruelle des deux Maroc : le Maroc utile et le Maroc inutile, établie par feu Hassan II, n’a jamais pu prendre, faisant qu’une partie du nord du royaume chérifien et toute sa région est se meurent à petit feu depuis 1994, date de la fermeture unilatérale des frontières entre le Maroc et l’Algérie sur décision malheureuse du très dévoué d’alors, feu Driss Basri, et la décision consécutive de l’Algérie de fermer hermétiquement ces mêmes frontières.
Vingt-quatre ans plus tard, les mêmes griefs et les mêmes contentieux demeurent avec le même dialogue où la surdité marocaine aux arguments algériens continue de mettre à nu une démagogie qui tend à vouloir, pour fonder le déni de droit des Sahraouis, faire de l’Algérie un acteur central dans une affaire de décolonisation soutenue, pourtant, à bras-le-corps par le système des Nations unies.
Le Maghreb des nations ne peut se faire sans la confrontation des souverainetés. Car seule cette confrontation permettra de savoir jusqu’à quel point une mise en commun, l’échange et le partage de quoi que ce soit vont effectivement profiter aux deux nations et non seulement à quelques castes de privilégiés, et non seulement à quelques intérêts étrangers.
Soyons sérieux, car le destin des nations est une affaire sérieuse qui ne se règle pas parce que deux gouvernants sont capables de s’entendre, mais parce que les intérêts bien compris de leurs peuples les y incitent et parce que ce sont ces intérêts-là, et rien d’autre, qu’ils doivent promouvoir jusqu’au bout.
A. C.
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