Contribution de Bachir Medjahed – Veut-on faire de l’Algérie un second Nigeria ?
Par Bachir Medjahed – Al-Qaïda et Boko Haram représentent l’échec arabe et africain à «éradiquer» ou même à lutter contre ces organisations terroristes. Daech représente ce qu’il y a pire dans les échecs arabe, musulman, africain et européen en la matière.
D’abord, tout le monde est menacé, y compris ceux qui en sont à l’origine et qui ont fini par en perdre le contrôle. Mais peut-il y avoir des menaces sans l’existence de vulnérabilités dont on ne parle même plus ?
Il ne peut y avoir création de mouvements terroristes sans créateurs. Il ne peut y avoir de capacités terroristes à se mettre en mouvements opérationnels sans instructeurs étatiques. Il ne peut y avoir identification des cibles sans commanditaires et sans informateurs. Il ne peut y avoir de montée en puissance sans disposer de territoires d’entraînement, de formation, et ces territoires sont occupés suite à une insurrection qui met quelques espaces hors contrôle du gouvernement ciblé. La capacité de nuisance est proportionnelle à la puissance des Etats créateurs et à leur protection.
Pourquoi les Etats ciblés sont-ils vulnérables ? Précisons d’abord que les Etats ciblés sont musulmans. Ils peuvent constituer des enjeux économiques ou géopolitiques. Pour pouvoir arriver à déstabiliser ces pays ciblés, il faudrait que ceux-là disposent de communautés différentes, de minorités dont il faudrait ethniciser les clivages, de confessions différentes, de sociétés aux équilibres précaires.
On ne parle pas trop des vulnérabilités des Etats africains, de l’inefficacité de chacun des pays pris isolément et de leur impossibilité à coopérer tous ensemble en préservant leur autonomie stratégique. Même si de plus en plus l’Afrique s’organise et crée ses propres institutions supranationales, les pays africains peuvent-ils renoncer à leur inféodation à des puissances étrangères pour accorder la priorité aux ensembles régionaux africains auxquels chacun d’eux est arrimé géographiquement ?
Boko Haram recentre le Nigeria vers l‘intérieur de ses frontières. Ce pays est pourtant invité à faire la guerre loin de ses frontières à la tête d’une force coalisée, celle qui regroupe les forces de la Cédéao pour le mettre en position dominante. Mais voilà que le feu est chez lui et qu’il aura à en tenir compte. Qu’en sera-t-il maintenant que vont être réévaluées les forces africaines régulières et leurs capacités à ne pas céder devant le terrorisme ? On ne parle pas encore de victoire.
L’Union africaine a trop joué sur des déclarations à effet d’annonce, ne pouvant pas prévoir que la crédibilité de ses propos allait de sitôt être remise en cause. Le feu est à la maison. En sortir pour aller combattre chez le voisin – encore faudrait il y croiser l’ennemi –, c’est déserter des troupes qui protègent le territoire du Nigeria. Un non-sens. Ce n’est pas le Nigeria qui est une puissance régionale ; c’est la France et celle-ci est même la première puissance en Afrique. Elle l’est quand les Américains la laissent faire, dans le cadre du partage des intérêts.
Encore que la France voudrait d’abord qu’au sol, la guerre soit menée par des indigènes locaux alliés à des mercenaires.
Veut-on faire de l’Algérie un second Nigeria ? Il y en a qui voudraient nous convaincre que le monde a changé et que l’Algérie devrait adapter sa doctrine de défense pour combattre une menace loin de nos frontières. Peut-être bien que notre réflexion est congelée, mais il faudrait bien admettre que notre armée n’a pas vocation à faire la guerre hors de ses frontières et que sa mission principale est de défendre le territoire et ses frontières et qu’il s’agit là d’une décision sage.
Une force africaine de réaction rapide ? Personne n’y croit sérieusement. Ella a été un projet. Les pays africains au moins y ont pensé. Pas les pays arabes.
Faudrait-il s’attendre à ce que l’Afrique puisse réellement disposer d’une véritable autonomie et surtout donner un cachet africain à toute solution à apporter à une crise africaine ? Cela fait plus d’une dizaine d’années que l’Union africaine a décidé de créer une force interafricaine dite en attente. On n’attend toujours à ce jour.
Et la voilà qui abandonne le projet de constitution d’une force interafricaine pour décider, cette fois-ci, de faire comme l’Europe, c’est-à-dire se construire une force de réaction rapide. L’Europe n’arrive pas encore à achever ce projet. De plus, elle compte sur la logistique de l’Otan.
Une force africaine chargée de fournir une réponse immédiate à une crise ? Une force pour réagir ou pour agir? Les pays arabes sont en retard dans ce type de réflexion par rapport aux pays africains. On ne peut même pas imaginer une coopération militaire active.
B. M.
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