Contribution de Bachir Medjahed – Ces questions que Bouteflika doit se poser
Par Bachir Medjahed – Le président Bouteflika devrait certainement se poser la question de savoir pourquoi, bien qu’il soit encore en poste, il assiste impuissant à son lynchage médiatique dans la transparence, pourquoi sa fonction a perdu sa «sacralité», pourquoi la fonction de ministre est devenue une banalité. Il saura que si les émeutes ne prennent pas d’ampleur géographique et n’acquièrent pas le caractère transrégional, cela n’est dû qu’au fait que l’opposition déstructurée est incapable de les coordonner, de les politiser et donc de les généraliser
Le Président est encore en charge de la magistrature suprême quand il voit la majorité, «sa» majorité, se diviser, s’entredéchirer même autour de ce que les observateurs qualifient de guerre de succession. Il doit probablement se demander si cette majorité a vraiment existé un jour ou si, alors, elle n’a pas été gaspillée par l’incapacité de ceux qu’on nomme ses alliés à la structurer en force politique, occupés qu’ils sont plus à «se rentrer dedans» comme des épouses dans un harem qu’à lui servir de relais pour le démultiplier.
Peut-être penserait-il qu’il avait eu tort de s’appuyer sur un trépied qu’il avait trouvé sur place, se rappelant ainsi que ce n’était pas lui l’architecte de l’alliance puisque celle-ci existait bien avant lui et qu’elle a des chances d’exister encore bien après lui.
L’alliance a ainsi joué le rôle de seule boîte agréée de prestation de service prédestinée à gérer les présidents successifs et peut-être serait-elle déjà prête à gérer le futur Président, car à ce niveau, c’est le réalisme qui prend le dessus sur les sentiments.
Le Président devrait peut-être également se demander pourquoi les partis de l’alliance, ainsi même que les comités de soutien, dont nombre d’entre eux ont leurs militants issus des partis alliés, si prompts à se revendiquer de la majorité présidentielle, se font mettre hors-jeu quand leur devoir serait celui de tenter de tempérer les facteurs de tension lorsque se déclarent des grèves ou éclatent des émeutes multiples mais non coordonnées.
Le fait majoritaire au sein du Parlement et des Assemblées locales pose ainsi vraiment la question de son effectivité. Le FLN rappelle sans cesse qu’il détient la majorité pour revendiquer son hégémonie sur le gouvernement, mais ne s’appuie pas sur ce fait majoritaire pour réussir à calmer les frondes sociales – grèves et émeutes –, à moins qu’il n’estime qu’il soit urgent de ne surtout pas calmer ce front pour gêner davantage le chef du gouvernement.
Le FLN a été sauvé au moins trois fois. La première quand il avait été décidé de le reconduire dans le paysage politique lors de l’entrée dans le multipartisme, alors qu’il a été exigé des autres le dépôt du dossier d’agrément et surtout les signatures des membres fondateurs. La deuxième l’a été quand son principal adversaire, à savoir le FIS, fut dissous. La troisième quand l’administration refusa l’agrément au parti Wafa. Sauvé toujours de l’extérieur, le FLN, que le séisme avait failli emporter, a vécu une crise ayant également pour origine une cause extérieure. N’oublions pas 62.
C’était le retrait annoncé de l’armée du champ du soutien à un candidat qui avait soulevé le couvercle de la marmite dans laquelle bouillonnaient les ambitions et les contradictions. Etait-ce un hasard si pratiquement deux blocs régionaux avaient alors émergé, unis derrière deux candidats représentant des régions entrées depuis longtemps dans une guerre froide qui n’a jamais dit son nom mais que tout le monde n’ignorait pas ?
Quant au MSP qui, maintenant, est dans une opposition dont il ne se revendique pas tout à fait, sa présence au sein de l’alliance était destinée à concilier le court terme politique avec son long terme sociologique, expliqué par le Tunisien Rached Ghannouchi dans ce qui s’apparente à une fatwa pour déclarer halal (licite) la participation d’un mouvement islamique à un gouvernement même laïc. Rien n’indique que le MSP ne cherchera pas à retrouver sa place.
Le RND, lui, avait été créé pour plusieurs raisons. Dans la conjoncture sécuritaire de l’époque, il fallait un parti pour porter le discours de fermeté. Il fallait une zone tampon entre les deux courants antagonistes. Il ne fallait pas mettre tous les œufs dans le même panier FLN, d’autant que l’épisode Abdelhamid Mehri ainsi que la résistance supposée de Boualem Benhamouda à céder devant les «instructions d’en haut» laissaient supposer que le FLN serait susceptible d’être incertain.
La preuve de la justesse de cette hypothèse fut apportée par l’épisode Benflis. Mais pouvait-il y avoir cet écartèlement sans un écartèlement à l’endroit d’en haut ?
B. M.
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