Comment la presse saoudienne a couvert la visite de Ben Salmane à Alger
Par Sadek Sahraoui – La visite du prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salmane, en Algérie et en Mauritanie n’a pas fait les choux gras de la presse saoudienne. Même l’agence de presse officielle saoudienne SPA s’est contentée d’un strict travail minimum. Et le travail minimum pour SPA a consisté à relater dans quelques dépêches rachitiques les différentes étapes du périple maghrébin de Mohammed Ben Salmane.
L’arrivée du prince héritier en Algérie a été liquidée en une dépêche qui reprend des déclarations de l’ambassadeur saoudien à Alger, Abdelaziz Al-Omaïrini, au cours desquelles il affirme que «la visite de Son Altesse royale, le prince Mohammed Ben Salmane Ben Abdelaziz, prince héritier, vice-président du Conseil des ministres et ministre de la Défense, en République démocratique populaire d’Algérie, mettait en évidence les relations bilatérales profondes entre les deux pays frères dans tous les domaines». «L’historique des relations entre les deux pays témoigne de la fraternité sincère et de la cohésion sous une très belle forme. Cette visite constitue une nouvelle avancée vers de vastes horizons de coopération et de solidarité», a-t-il ajouté.
Par ailleurs, SPA a préféré revenir, avec de nombreuses photos à l’appui, sur les «riches» activités de Ben Salmane au cours du sommet du G20 en Argentine.
Le constat est quasiment le même pour ce qui concerne Al-Watan, l’un des plus importants quotidien d’Arabie Saoudite. Média qui est également réputé pour s’intéresser au Maghreb et plus généralement aux questions internationales. Ce titre, qui est pourtant habitué à relater les moindre faits et gestes de MBS, a aussi consacré un article très plat à la visite du prince héritier en Algérie, sixième et dernière étape du périple arabe du futur patron de l’Arabie Saoudite. Mais à la différence de l’agence SPA, Al-Watan a donné un peu plus de détails concernant l’agenda de Ben Salmane en Algérie.
Dans son édition du jour, ce journal a surtout porté son intérêt sur le sommet du G20, le Yémen et l’Iran. Cela sans oublier les activités du roi Salmane. A croire que l’Algérie ne revêt plus vraiment un caractère stratégique dans les plans géopolitiques du royaume wahhabite. Preuve en est, l’agence SPA et Al-Watan n’ont même pas jugé utile d’évoquer l’annulation de l’audience entre le président Abdelaziz Bouteflika et le prince héritier.
Comme en Tunisie, la venue de Ben Salmane en Algérie a, rappelle-t-on, suscité la colère de leaders d’opposition et d’intellectuels. «Les Algériens ne peuvent souhaiter la bienvenue au prince héritier saoudien», a déclaré à la presse Abderrazak Mokri, président du parti islamiste Mouvement de la société pour la paix (MSP). «Il est responsable de la mort d’un nombre important d’enfants et de civils au Yémen, du journaliste Jamal Khashoggi, comme il a jeté en prison des citoyens saoudiens qui n’ont commis aucun crime», a-t-il ajouté. Louisa Hanoune, secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), a évoqué, pour sa part, une «grosse provocation».
Dix-sept intellectuels, journalistes et oulémas ont aussi dénoncé, dans une pétition, la visite du prince «dont le monde entier sait qu’il a été l’ordonnateur d’un crime abominable contre le journaliste Jamal Khashoggi», ont-ils écrit. En l’accueillant, «l’Algérie officielle ne risque-t-elle pas d’accorder une prime d’encouragement à la politique rétrograde de cette monarchie», ont-ils prévenu.
S. S.
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