Contribution de Bachir Medjahed – Naïma Salhi et le virus de la division
Par Bachir Medjahed – Comment en est-on parvenu à faire d’une cohésion nationale qui était un formidable espace de mobilisation pour la guerre d’indépendance une mosaïque de populations incitées au refus du vivre-ensemble ? Comment en est-on parvenu à construire un système qui a commencé à déposséder le peuple du choix de ses dirigeants pour se retrouver ensuite à mettre en discussion toutes les légitimités acquises par toutes les élections ?
Qui doit répondre à ces deux questions entre les sciences sociales condamnées à mort par les séminaires sur la pensée islamique et les sciences politiques ouvertes dans les amphis et fermées en dehors des universités ?
Quelle part de responsabilité des populations et quelle part de responsabilité de la classe politique ? A moins que la société ne soit à l’image de la classe politique, qui a transmis à l’autre le virus des profondes divisions ? Quand une islamiste, Naïma Salhi, parlementaire de surcroît, met violemment à l’ordre du jour l’ethnicisation de la société pour en exacerber les clivages, on pourrait en déduire sans grand risque d’erreur que c’est la classe politique qui devrait subir des réformes car elle est pratiquement seule responsable d’abord du transfert des virus vers la société, ensuite de la substitution des armes aux urnes, de la dénaturation du champ politique, du risque avéré de la rupture de la cohésion nationale et fatalement de la double impossibilité de la relance de l’économie et de l’amortissement des frustrations socio-économico-politiques des populations.
Bien évidemment, quand on parle de classe politique, ce sont des éléments appartenant à toutes les catégories confondues.
Le mal est profond. Pas la même boussole, pas le même système référentiel, pas le même contenu pourtant pour les mêmes mots, les différentes couches des populations n’apparaissent pas avoir le même vécu culturel, ou alors qu’elles aient vécu dans le même pays, qu’elles se réfèrent au même passé, qu’elles regardent vers le même avenir, qu’elles considèrent qu’elles ont la même destinée, qu’elles ont la même conception de l’Etat et qu’elles acceptent de vivre dans le même système politique.
Le même paysage politique ? La même sédimentation politique en centre, gauche, droite ou des partis iront prêcher et pêcher au centre car elles sont attachées aux «juste milieu», détestant évoluer sur les limites ? Dans un tel paysage politique, où situer l’islamisme ?
Rappelons que dès lors qu’entrent en compétition des partis qui manipulent la religion, l’identité, la tribu, on sort du modèle de démocratie que nous connaissons tous en étudiant ce qui nous vient d’outre-mer. De la France, tout simplement. On peut avoir un consensus sur les règles du jeu politique mais pas sur les différences idéologiques.
Dans ces conditions, il ne s’agira plus de simples différences qui vont se surmonter, comme on ne pourra pas caractériser ce processus électoral de démocratique. Il est certain que lors des débats en public, les discours seront militarisés. En privé, le débat risquera des engagements physiques.
B. M.
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