Qamis politique
Par Akram Chorfi – Les rois aiment gouverner avec les religieux, car ceux-ci les aident à asseoir leur légitimité en développant et en adaptant le discours théologique en fonction des situations.
Au service des rois, les religieux sont capables de légitimer la répression et la plus grande violence mais ils souhaitent, en échange, que leur crédibilité soit préservée, et leurs privilèges aussi.
Dans la plupart des Etats arabes, qu’ils soient rois, princes ou raïs, les gouvernants prennent soin de leurs théologiens et des institutions religieuses qui leur donnent du crédit auprès des masses. Cela afin d’optimiser leur utilisation politique et idéologique dans les moments de crise.
Les gouvernants ont-ils raison de s’entourer d’instances qui manipulent la religion et ses textes pour asseoir leur emprise sur les sujets, les fidèles, les croyants et autres masses populaires que désignent des vocables qui portent les consonances théocratique et monarchique ?
Qu’ils aient raison ou tort, les gouvernants arabes semblent, en tout cas, avoir leurs raisons, dont l’une, des plus essentielles, tient au fait que les populations arabes, non encore inscrites, dans leur écrasante majorité, dans la modernité citoyenne, admettent structurellement – voire l’exigent – cette binarité de l’autorité, assise à la fois sur le politique et le religieux.
Si cette réalité ne semble plus se manifester par les apparences et les appareils qu’elle mobilisait autrefois, à l’exception des rituels anachroniques et folkloriques des monarchies absolutistes arabes, il n’en demeure pas moins qu’elle s’impose encore en esprit et en gestion politique, au sein des «républiques» éponymes.
Mais à dire vrai, les politiques des Etats arabes, au sommet desquels trônent des monarchies théologiques de droit «divin», investissent le religieux comme une rampe pour leurs ambitions, quand ce n’est pas simplement un bouclier contre la diabolisation, car, au jour d’aujourd’hui, le fanatisme hante la rue arabe, alors que le religieux continue d’être considéré par les sujets – des citoyens ? – comme le gage d’une éthique politique certaine, qui façonne leurs perceptions sociales et leurs choix électoraux.
Les majorités électives sont aujourd’hui de sensibilité religieuse mais d’une sensibilité teintée d’un certain fétichisme exhibitionniste. Elles ne prêtent l’oreille qu’à ceux, parmi les politiques qui portent barbes et qamis et maîtrisent des codes linguistiques et discursifs usités depuis des siècles. D’où la prévalence, dans cet espace d’exclusion de prédateurs politiques prêts à toutes les mystifications, à tous les rôles et les scenarii pour se hisser au pouvoir.
A. C.
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