Macron rit jaune
Par Mrizek Sahraoui – Devenue virale et largement condamnée, la vidéo montrant des images très choquantes et humiliantes de lycéens mis à genoux, les mains sur la tête, et gardés dans cette posture pendant plus de quatre heures par des policiers armés de matraques, a suscité une indignation totale de la part des syndicats enseignants, de partis politiques d’opposition et des associations de parents d’élèves, accusant le ministre de l’Intérieur de faire usage de force disproportionnée contre des enfants en contradiction avec la convention européenne des droits de l’Homme.
La gestion pour le moins hasardeuse de la grogne sociale a pour conséquence l’effet papillon. Désormais, la contestation gagne d’autres catégories de la population. Outre la mobilisation des lycées, plusieurs universités sont bloquées, le monde agricole menace de sortir dans la rue, les routiers entendent se faire entendre si leurs exigences salariales sont ignorées.
Personne n’a rien vu venir, et bien malin celui qui peut prédire la suite des événements. Une certitude, le mouvement des Gilets jaunes, qui passe ce samedi à l’acte IV, a réussi en l’espace de quelques jours à faire trembler la France officielle. Compte tenu des derniers développements, aucune issue n’est privilégiée, tous les scénarios se valent et relèvent du domaine du possible, y compris les pires : la démission ou la destitution du Président, une sorte d’«impeachment populaire», réclament les Gilets jaunes, et «la guerre civile», dixit Alain Touraine, sociologue des nouveaux mouvements sociaux. Vu de près et avec lucidité, le cocktail est, en effet, explosif.
L’hypothèse d’une telle situation de troubles graves et durables est loin d’être farfelue, en effet. A la veille de la manifestation de tous les risques et périls, l’Exécutif, très fébrile, multipliait les appels au calme et à la raison en direction de toutes celles et de tous ceux qui portent la parole publique mais, aussi et surtout, à destination des Gilets jaunes, les enjoignant d’éviter de se rendre à la manifestation parisienne.
Face à la réponse pénale ferme, à la répression, aux tentatives de diabolisation du mouvement, à l’option du pouvoir de jouer avec les peurs et de préférer le pourrissement au lieu d’apporter de vraies solutions, les Gilets jaunes sont plus que jamais déterminés, jouissent d’une sympathie et d’un soutien sans égal de la part du reste de la population, leur mobilisation demeurant intacte.
Fragilisés par tant d’atermoiements et de tâtonnements, accusés d’incompétence et de faire preuve d’amateurisme, Emmanuel Macron et son gouvernement ont perdu toute crédibilité. Seuls 18% des Français ont encore une opinion favorable du chef de l’Etat, un chiffre en-dessous des résultats du premier tour de l’élection présidentielle de 2017. Les sondages les plus défavorables au Président qui donneraient une cote de popularité de l’Exécutif à moins de 15% depuis l’avènement du mouvement des Gilets jaunes sont tus par les instituts et, surtout, ne sont pas relayés par les médias, histoire de ne pas ajouter du désordre à la pétaudière, dit-on sous cape dans les rédactions.
Au lendemain de l’affaire Benalla, Emmanuel Macron avait demandé : «Venez me chercher !», «L’appel est entendu et nous savons où te trouver», répondent, très remontés sur les plateaux de télévision, des Gilets jaunes.
M. S.
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