Un journal namibien raconte comment l’Algérie a forgé Mandela et Fanon
Par R. Mahmoudi – Dans un article paru le 7 décembre, le quotidien namibien The Namibian rend hommage à deux figures de proue de la lutte pour la décolonisation dans le Sud : Nelson Mandela et Franz Fanon, en analysant l’impact de la Révolution algérienne, qu’ils ont bien connue, sur leur pensée et leur action.
Ecrit par Charles Villet, chercheur de l’université Monash en Australie sous le titre «Ce que Mandela et Fanon ont appris de la Révolution algérienne dans les années 50», l’article se propose de chercher comment la Révolution du 1er Novembre 1954 «a eu un effet profond sur la réflexion de Mandela et de Fanon», et façonné notamment la pensée du leader sud-africain passée de la violence à la réconciliation et à la lutte pacifique.
L’auteur rappelle que Mandela, en pleine lutte armée contre le régime de l’apartheid en 1961, alors qu’il s’employait à structurer la branche armée de l’ANC, a visité les troupes de l’Armée de libération nationale (ALN) dans l’une de ses bases-arrière au Maroc. Durant la même année, il s’est rendu en Algérie pour participer à des exercices communs, entre la branche armée de son parti et des unités de l’ALN, et rencontrer, à la même occasion, des combattants et des dirigeants de maquis algériens. Cette expérience algérienne l’a beaucoup inspiré pour poursuivre son combat contre l’apartheid mais, malheureusement, il sera arrêté et emprisonné dès 1964.
«L’Algérie est également devenue le premier pays visité par Mandela après sa libération de prison en 1990, écrit l’auteur. C’était un geste symbolique pour reconnaître l’inspiration qu’il avait tirée de la Révolution de la nation nord-africaine et son soutien contre l’apartheid.» Et de rappeler que dans son autobiographie, Nelson Mandela compare cette situation comme étant «la plus proche de celle de l’ANC en Afrique du Sud». «Les rebelles en Algérie, lit-on encore, ont également dû faire face à un gouvernement représentant une importante communauté blanche contrôlant la majeure partie de la population authentique qui n’était pas blanche».
Analysant le cas du psychiatre martiniquais Franz Fanon, le chercheur souligne que c’est en Algérie qu’il a pris conscience du caractère oppressif de la colonisation française. Tout comme Mandela, Fanon a soutenu le recours à la violence pour se libérer du joug colonial mais ne l’a pas glorifiée. «Pour lui, le but était plutôt que la violence était une réponse nécessaire à l’oppression, lorsque l’oppresseur ne reconnaît pas l’humanité des opprimés».
Les idées de Fanon, dont notamment celles contenues dans son ouvrage phare, Les Damnés de la terre, sont devenues des références en Afrique du Sud pour la construction de ce qui était appelé «la conscience noire».
L’auteur de l’article osera ensuite une comparaison entre les deux hommes, qui ne se sont jamais rencontrés, mais dont les idées s’abreuvaient des mêmes sources. Il note que Fanon aurait certainement approuvé «la reconversion» de Mandela suite à la disparition de l’apartheid, en jugeant que la violence devenait «une force destructrice», en décidant d’intégrer «les oppresseurs et les opprimés dans le processus d’organisation post-apartheid».
R. M.
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