Sahara Occidental : la presse américaine démasque les manœuvres du Makhzen
Par Sadek Sahraoui – Dans un long reportage consacré samedi au Sahara Occidental, intitulé «L’un des conflits les plus anciens d’Afrique touche-t-il enfin à sa fin?», le magazine américain The New Yorker confirme la volonté de Washington de mettre fin au conflit et revient sur le drame enduré par les Sahraouis depuis l’invasion de leur pays par le Maroc.
Un drame dont est, en grande partie, coupable la communauté internationale qui tarde à appliquer les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU. Le magazine américain rappelle que la France, principal soutien étranger du Maroc, est à l’origine du blocage du processus onusien de règlement du conflit qui prévoit de faire bénéficier le peuple sahraoui d’un référendum d’autodétermination.
La même source ajoute que le Maroc se rend régulièrement coupable de violations massives des droits de l’Homme dans les territoires sahraouis qu’il occupe illégalement depuis 1975, précisant que la presse étrangère y est interdite.
Elle ajoute que la France, complice du Maroc, est l’un des pays qui pille le plus les richesses du peuple sahraoui. The New Yorker rappelle à ce propos que de «nombreux politiciens français disposent de somptueuses maisons de vacances au Maroc». Des maisons «offertes» en contrepartie du soutien qu’ils apportent à la colonisation du Sahara Occidental.
The New Yorker rappelle que le 5 décembre dernier, pour la première fois en six ans, les protagonistes du conflit, le Front Polisario et le Maroc, se sont retrouvés autour d’une même table à Genève à l’initiative de l’ONU dans le but de trouver une issue au conflit conforme aux résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU.
Le magazine américain qui cite des sources proches des deux parties en conflit indique que le nouveau conseiller du président Trump sur la sécurité nationale, John Bolton, a joué un rôle important dans la tenue de ce face à face. «John Bolton et l’énorme engagement des Américains ont beaucoup aidé à rendre possible cette réunion», a confié au média américain un haut responsable proche des pourparlers. Certains diplomates impliqués dans les négociations parlent quant à eux de «l’effet Bolton».
Pas étonnant. Lors d’un débat à Washington mi-décembre, au cours duquel la nouvelle stratégie pour l’Afrique de l’Administration Trump a été dévoilée, Bolton a soutenu qu’il était impatient de mettre fin au conflit du Sahara Occidental. «Il faut penser aux habitants du Sahara Occidental, aux Sahraouis, dont beaucoup vivent encore en plein désert dans des camps de réfugiés près de Tindouf. Nous devons permettre à ces personnes et à leurs enfants de rentrer eux», avait-il dit.
Bolton connaît bien le conflit, rappelle le magazine américain. Il a travaillé sur le mandat de maintien de la paix de l’ONU pour la région en 1991. A partir de la fin des années 90, il a fait partie d’une équipe de négociations de l’ONU dirigée par James Baker, ancien secrétaire d’Etat, qui était sur le point de négocier un accord de paix et organiser un référendum sur l’indépendance au Sahara Occidental. Le Polisario avait accepté la proposition mais pas le Maroc. Baker a confié au magazine américain, lors d’une interview à Houston, que le conflit «n’a pas été bien géré et c’est pourquoi il persiste».
Selon The New Yorker, la nomination de John Bolton à son poste de conseiller à la Maison Blanche, a entraîné un regain d’activité concernant la question sahraouie à l’ONU et au département d’Etat américain. «Je pense qu’il devrait y avoir une pression intensive sur tous ceux concernés pour voir s’ils ne peuvent pas régler le problème», a affirmé le conseiller à la Sécurité nationale du président Donald Trump cité par le magazine américain.
Ce dernier rappelle que c’est dans ce cadre que le mandat de la Minurso a été renouvelé pour six mois au grand dam des diplomates marocains et français, plutôt qu’une année, Bolton estimant que la mission de maintien de la paix a prolongé le conflit en nuisant aux efforts visant à résoudre les problèmes sous-jacents.
The New Yorker note que Bolton a à plusieurs reprises accusé le Maroc de recourir à une tactique dilatoire pour bloquer les négociations. Il a écrit en 2007: «Le Maroc est en possession de la quasi-totalité du Sahara Occidental. Il serait heureux de le conserver ainsi et espère que ce contrôle de facto se transformera en contrôle de jure dans le temps».
De nombreux observateurs marocains, indique le média américain, estiment que Bolton est sympathique au Polisario. «John Bolton s’est distingué en prenant des positions ouvertement proches de celles des séparatistes», a écrit Tarik Qattab dans un article publié au printemps pour le journal marocain Le 360 qui reflète les vues du Makhzen. Le Maroc a également essayé de gagner les faveurs de Trump et de Bolton en rompant ses relations diplomatiques avec l’Iran, l’un des ennemis les plus acharnés des Etats-Unis.
En septembre dernier, le ministre des Affaires étrangères marocain est même allé jusqu’à accuser le Polisario d’être soutenu militairement par le Hezbollah. Mais la grossière manœuvre n’a convaincu personne. Le Maroc n’a donné aucune preuve de ces affirmations et des analystes ont dit au New Yorker qu’un tel lien était hautement improbable. Les responsables du Polisario, pour leur part, ont salué le nouvel engagement des Etats-Unis.
S. S.
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