La missive du roi Macron à ses sujets
Par Mesloub Khider – «Chères Françaises, chers Français, mes chers compatriotes,
Par la grâce présidentielle qui s’attache à mes fonctions, en cette période de fronde populeuse conduite par une foule haineuse, j’ai pris la résolution de m’adresser directement à mes admirateurs citoyens afin de les rassurer sur ma détermination de conserver le cap de ma politique pour laquelle les seigneurs de la finance m’ont intronisé à la tête du pouvoir suprême de la France.
Je tiens à dissiper quelques malentendus répandus à mon sujet. Certes, longtemps j’ai occupé les fonctions de gestionnaire de la finance dans une prestigieuse banque internationale. Mais j’ai rempli ma mission d’enrichissement de mes plus fortunés clients de la royauté financière avec loyauté. En récompense de mes services rendus, de ma fidélité aux banquiers, les barons de la finance m’ont gratifié du portefeuille de ministre de l’Economie dans le quinquennat de François Hollande.
En outre, mes compétences de grand argentier à Bercy m’ont permis de m’ouvrir la voie royale de la Présidence. Avec le soutien de la royauté financière, j’ai pu briguer l’investiture de la magistrature suprême présidentielle avec réussite. Mes efforts électoraux ont été couronnés de succès. Ma candidature s’est imposée à la tête de L’Elysée grâce aux suffrages des électeurs mobilisés massivement contre la candidate du Front national.
Aussitôt intronisé au sommet de la couronne présidentielle républicaine, j’ai prêté serment au capitalisme mondial en jurant de le sacraliser par l’observance impénitente des sacro-saintes règles de la finance mondiale. J’ai décrété concourir fidèlement à la prospérité des revenus de l’aristocratie financière. De préserver militairement ses intérêts. De lui témoigner sans défaillance toute ma confiance.
Avec la régente de ma vie, la reine du détournement de mineur, j’ai intégré mes fonctions de roi de la République financière française dans le Palais de L’Elysée. Aussitôt, dans le cadre de ma politique des réformes, j’ai promulgué quelques édits en faveur des barons de la finance afin de leur permettre d’accroître leur patrimoine, d’assurer la longévité de leur lignée capitalistique. Pour augmenter leur richesse, je les ai exonérés de l’impôt sur la fortune, cet impôt injuste, inique.
Quant à mes sujets du royaume de la misère de France, j’ai pris la résolution de les impliquer à l’effort du relèvement du pays des riches par une politique de taxation tous azimuts sur leurs produits de consommation courante. Par la réduction drastique des dépenses publiques réservées à ces populations surnuméraires. Par l’allongement du départ à la retraite, par la baisse de leur pension de retraite. Par la réduction de tous les budgets sociaux alloués à ces populations assistées. Par l’introduction de mesures draconiennes en matière de surveillance des chômeurs, ces fainéants incorrigibles et irrécupérables.
Enfin, pour préserver la planète, j’ai invité ces intoxiqués de la consommation et fanatiques de l’automobile à s’acquitter de diverses taxes écologiques pour sauvegarder les finances de l’Etat, trop malmenées ces dernières années par les multiples avantages accordés aux seigneurs de la finance, sans oublier les industriels de l’armement, ces ossatures de notre économie nationale patriotique.
Mais, égoïstes comme à leur habitude, ces misérables ingrats sujets se sont révoltés contre mes mesures. En guise de bouclier, pour affronter mes réformes, ces gueux contemporains se sont affublés d’un Gilet Jaune. Depuis deux mois, ces frondeurs du XXIe siècle se sont ligués contre mon intemporel régime. Ils ont érigé des citadelles autour des ronds-points pour bloquer l’économie. Ils ont juré d’envahir Paris pour prendre d’assaut mon Palais : l’Elysée. Fort heureusement, ces foules haineuses ont été neutralisées par mes chevaliers des temps modernes, les CRS, équipés comme des Robocops.
Bien que j’eusse accordé quelques libéralités à ces Gilets Jaunes, ils maintiennent leur pression par des revendications inconsidérées, irresponsables. Ces Gilets jaunes me poursuivent encore de leur haine tenace. Certains exigent mon abdication. D’autres réclament ma décapitation.
Aujourd’hui, dans cette période de grande agitation politique, d’effervescence sociale, j’ai pris la résolution de rédiger à l’intention de mes fidèles sujets une missive. J’espère qu’elle sensibilisera l’ensemble de mes administrés.
‘’Comment ne pas éprouver la fierté d’être français ? Je sais, bien sûr, que certains d’entre nous sont aujourd’hui insatisfaits ou en colère. Parce que les impôts sont pour eux trop élevés, les services publics trop éloignés, parce que les salaires sont trop faibles pour que certains puissent vivre dignement du fruit de leur travail, parce que notre pays n’offre pas les mêmes chances de réussir selon le lieu ou la famille d’où l’on vient. Tous voudraient un pays plus prospère et une société plus juste.’’
Eh bien, mes chers compatriotes, en guise de solution radicale, je vous propose l’institution d’un ‘’débat national’’. J’ai chargé mes subalternes officiers municipaux de mettre à votre disposition des cahiers et des stylos. Rassurez-vous : les cahiers et les stylos seront pris à la charge de la Mairie, grâce à vos impôts. Vous pourrez ainsi exprimer librement toutes vos opinions. Nous savons, par expérience, qu’une missive politique ne ressemblera jamais à un missile révolutionnaire.
Alors, mes chers compatriotes, n’hésitez pas de vous saisir de cette précieuse plume mise à votre disposition pour donner des ailes à votre imagination. Libérez votre conscience. Nos psychanalystes politiciens se feront un plaisir de lire vos Délires personnels. Et faute de vous apporter des solutions économiques, sociales et politiques, nous soignerons vos démons intérieurs : vos instincts de révolte.»
M. K.
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