Liberté sous tutelle

Macron justice
Nicole Belloubet, ministre de la Justice, et Emmanuel Macron. D. R.

Par Mrizek Sahraoui – Dans un précédent propos, nous avons rapporté les craintes d’un grand nombre de magistrats et d’avocats de voir la justice en France rendue au nom du peuple mais dont l’indépendance n’est pas toujours garantie et respectée, c’est-à-dire rendue à deux vitesses, clémente pour les uns : les proches et les riches ; ferme et sévère à l’égard de bien d’autres : les opposants et les plus démunis.

Les mêmes partagent avec les médias indépendants – peu nombreux mais il y en a encore – le sentiment d’inquiétude face à la réponse apportée par le pouvoir au large spectre des menaces qui pèsent sur toutes les libertés, de la presse, d’opinion, d’expression, de réunion, de culte, de la liberté syndicale ainsi que du droit de grève, chèrement acquises au fil des luttes sociales, des principes à valeur constitutionnelle.

Effectuée par deux magistrats du parquet de Paris accompagnés de trois policiers, entrant dans le cadre d’une enquête sur les enregistrements de l’agent – très spécial – de sécurité au service du président de la République, au demeurant nullement inquiété et bénéficiant d’une large impunité résultant sans doute du soutien indéfectible au sommet de l’Etat, en dépit des lourdes charges qui pèsent sur lui, la perquisition opérée dans les locaux de Mediapart, fermement refusée par les responsables du journal en ligne car perçue comme une grave atteinte à la liberté d’informer, témoigne de la volonté de l’Exécutif de bâillonner la presse, cette presse ne faisant pas partie du landerneau médiatique flagorneur qui a porté le candidat Macron au pouvoir et qui subit, chaque samedi, la haine et la colère des Gilets jaunes qui, eux, n’en finissent pas de voir se multiplier dans leurs rangs le nombre de personnes éborgnées, amputées, sans que la justice, dont le projet de réforme est encore et toujours dans les limbes, s’en saisisse.

Les craintes sont, en effet, multiples. La décision unilatérale de déménager, en octobre dernier, la salle de presse hors du palais de l’Elysée, prélude à un verrouillage systématique de la communication officielle, les attaques répétées dont fait l’objet la presse pas encore aux ordres et qui refuse de se soumettre, la loi anticasseurs, votée au Parlement mais jugée liberticide et anticonstitutionnelle par de nombreux avocats et magistrats, donnant la faculté aux préfets, c’est-à-dire au gouvernement et non pas aux juges, d’interpeller en amont des personnes seulement suspectées de commettre des violences, sont autant de tentatives de mise sous tutelle des libertés par un Président d’hier qui se targue incarner demain, dirait le général de Gaulle.

M. S.

Comment (5)

    Felfel Har
    11 février 2019 - 18 h 18 min

    La justice française sous Macron est en pleine déliquescence. La France de Macron s’éloigne de la république démocratique et sociale que sa Consitution consacre. C’est désormais une réincarnation de la monarchie absolue qui n’hésite pas à montrer des signes de tyrannies. Montesquieu savait tout celà puisqu’il nous avertit « La tyrannie est toujours faible et lente dans ses commencements comme elle est prompte et vive dans sa fin. Elle ne montre d’abord qu’un main pour secourir, et elle opprime ensuite avec une infinité de bras » dont ceux d’une justice et de juges et procureurs aux ordres.
    Les GJ, outre le fait de réclamer plus de droits et de justice, ont mis en évidence le double langage de pseudo-démocrates , plus prompts à faire la leçon aux autres, qu’à (faire) respecter ses principes de séparation des pouvoirs et de poursuite de la justice sociale. Ces forts en gueule n’ont certainement pas lu Confucius, donc ils n’ont ni sa sagacité ni sa sagesse. « Sous un bon gouvernement, la pauvreté est une honte. Sous un mauvais gouvernement, la richesse est aussi une honte. »
    Je suis par ailleurs surpris par l’absence de réaction des intellectuels (pas les intellos BCBG défendants des chapelles honnies par le peuple) pour rappeler les principes humanistes de liberté, de justice, de solidarité pour lesquels les révolutionnaires et les promoteurs des droits de l’homme se sont battus et sacrifiés. Si Victor Hugo était encore des nôtres, il observerait en guise de rappel que « La loi ignore le droit. Il y a d’un côté la pénalité, de l’autre l’humanité….. mais il se passera du temps avant que la justice des hommes ait fait sa jonction avec la justice. » (L »Homme qui rit). Il ne saurait y avoir une justice pour les riches et les puissants et une autre pour les démunis. Macron doit s’y atteler s’il ne veut pas faire face à une révolution qui détruira ses rêves et ceux de ses amis assoiffés d’argent et de pouvoir.
    Cet avertissement vaut aussi pour tout gouvernement tenté par le despotisme. Sans justice équitable et de bonne foi, aucun gouvernement n’est durable.

      anonyme
      11 février 2019 - 21 h 18 min

      la france prend exemple sur l’algerie dans le domaine judiciaire ;les deux collèges se reconstituent en france

    Socrate
    11 février 2019 - 14 h 21 min

    C’est bien donner des leçons d’indépendance de la justice à la France mais qu’en est-il de l’Algérie ? Je croyais que ce site était dévolu à ce pays et pas à la France.

    Ahcen
    11 février 2019 - 10 h 25 min

    Mise sous tutelle des libertés selon beaucoup de citoyens mais ça reste dans la tentation. Macron fait pour tout verrouiller mais bute sur des institutions. Il y a une opposition, une presse qui dénoncent les « affaires » et des parlementaires aux aguets.

    Asma D
    11 février 2019 - 8 h 53 min

    Les éditos d’AP sont excellents, factuels, précis, très bien construits et incisifs, à l’image de cette formule prêtée à De Gaulle : président d’hier qui se trague incarner demain, il y en a partout dans le monde des mecs comme ça.

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