Liberté sous tutelle
Par Mrizek Sahraoui – Dans un précédent propos, nous avons rapporté les craintes d’un grand nombre de magistrats et d’avocats de voir la justice en France rendue au nom du peuple mais dont l’indépendance n’est pas toujours garantie et respectée, c’est-à-dire rendue à deux vitesses, clémente pour les uns : les proches et les riches ; ferme et sévère à l’égard de bien d’autres : les opposants et les plus démunis.
Les mêmes partagent avec les médias indépendants – peu nombreux mais il y en a encore – le sentiment d’inquiétude face à la réponse apportée par le pouvoir au large spectre des menaces qui pèsent sur toutes les libertés, de la presse, d’opinion, d’expression, de réunion, de culte, de la liberté syndicale ainsi que du droit de grève, chèrement acquises au fil des luttes sociales, des principes à valeur constitutionnelle.
Effectuée par deux magistrats du parquet de Paris accompagnés de trois policiers, entrant dans le cadre d’une enquête sur les enregistrements de l’agent – très spécial – de sécurité au service du président de la République, au demeurant nullement inquiété et bénéficiant d’une large impunité résultant sans doute du soutien indéfectible au sommet de l’Etat, en dépit des lourdes charges qui pèsent sur lui, la perquisition opérée dans les locaux de Mediapart, fermement refusée par les responsables du journal en ligne car perçue comme une grave atteinte à la liberté d’informer, témoigne de la volonté de l’Exécutif de bâillonner la presse, cette presse ne faisant pas partie du landerneau médiatique flagorneur qui a porté le candidat Macron au pouvoir et qui subit, chaque samedi, la haine et la colère des Gilets jaunes qui, eux, n’en finissent pas de voir se multiplier dans leurs rangs le nombre de personnes éborgnées, amputées, sans que la justice, dont le projet de réforme est encore et toujours dans les limbes, s’en saisisse.
Les craintes sont, en effet, multiples. La décision unilatérale de déménager, en octobre dernier, la salle de presse hors du palais de l’Elysée, prélude à un verrouillage systématique de la communication officielle, les attaques répétées dont fait l’objet la presse pas encore aux ordres et qui refuse de se soumettre, la loi anticasseurs, votée au Parlement mais jugée liberticide et anticonstitutionnelle par de nombreux avocats et magistrats, donnant la faculté aux préfets, c’est-à-dire au gouvernement et non pas aux juges, d’interpeller en amont des personnes seulement suspectées de commettre des violences, sont autant de tentatives de mise sous tutelle des libertés par un Président d’hier qui se targue incarner demain, dirait le général de Gaulle.
M. S.
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