L’Arabie Saoudite agacée par la félonie passagère du chouchouté Mohammed VI
Par Tarek B. – Nouvelle acrobatie politico-sémantique de la diplomatie marocaine dont le bateleur en chef, le sieur Nasser Bourita, invoque un terme vide de sens, inventé pour la circonstance. Au lieu d’assumer le «rappel pour consultations» de son ambassadeur à Riyad, comme affirmé par ce dernier lui-même, dans une déclaration faite à un média marocain proche de la DGED, Rabat préfère parler de «rappel à l’ordre» pour botter en touche. Autant dire que ce terme, qui n’a absolument aucune consistance, cache mal une faiblesse à assumer des positions face aux généreux bienfaiteurs du Golfe.
C’est dans une situation bien inconfortable que le Maroc vient de se mettre en optant pour une escalade qu’il n’a, au final, pas eu le courage d’assumer dans ses relations avec l’Arabie Saoudite, suite à une décision de rappeler pour consultations son ambassadeur à Riyad, Mustapha Mansouri, avant de se défausser très maladroitement et de susciter une cacophonie qui révèle toute l’ampleur d’une diplomatie de suivisme incapable de défendre ses propres positions.
Il faut dire que ce fonctionnement par à-coups est le propre d’une diplomatie binaire et obsolète, dont les déboires fournissent des exemples saisissants d’actions suivies de rétropédalages brusques, aussi bien avec l’Algérie – lorsque Rabat a opté avec fracas, en octobre 2017, pour le rappel pour consultations de son ambassadeur à Alger avant un retour de ce dernier en catimini moins d’un mois plus tard –, qu’avec la France qui a profité de la présence à Paris d’Abdellatif Hammouchi, le directeur de la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST), pour effectuer une descente de police à la résidence de l’ambassadeur du Maroc à Paris, en vue de l’auditionner dans le cadre de plaintes relatives à des faits de torture au sein d’un centre de détention dans la banlieue de Rabat, sans que cet incident donne lieu à des contre-mesures outre de banales déclarations d’indignation.
La méthode du chantage est aussi un outil auquel le Makhzen recourt dans ses relations extérieures, comme dans le cadre du projet de visite du roi d’Espagne Felipe VI, qui se rendra cette semaine au Maroc après de multiples reports conçus comme des moyens de pression sur son voisin ibérique inquiet par la déferlante migratoire en provenance de ce pays. Néanmoins, force est de reconnaître que face au mastodonte saoudien, la recette marocaine ne fait pas le poids, tant il est vrai que ce dernier dépend largement des aides financières accordées par Riyad en vue de maintenir à flot une économie exsangue, dans le cadre d’une solidarité entre monarchies arabes dont la plus-value n’est plus évidente pour une Arabie Saoudite vraisemblablement irritée par l’ingratitude marocaine manifestée par le rapprochement de Rabat avec Doha, dans le cadre d’une logique malsaine de se vendre au plus offrant, sous le couvert trompeur d’une «neutralité» que ni la fréquence de visites échangées ni le volume d’investissements promis par la pétromonarchie au Maroc, et encore moins son retrait discret, en avril 2018, de l’alliance militaire conduite par l’Arabie Saoudite au Yémen, ne corroborent.
Les signes de l’agacement saoudien face à cette félonie se sont multipliés ces derniers mois, surtout lorsque le prince héritier et homme fort de l’Arabie Saoudite, Mohammed Ben Salmane, a décidé d’effectuer une tournée maghrébine en décembre 2018, avec des escales en Algérie, en Tunisie et en Mauritanie, sauf au Maroc qu’il a également effacé de ses plans de vacances estivales, habituellement passées à Tanger. Il y a aussi la gifle essuyée dans le cadre de la candidature marocaine pour l’organisation de la Coupe du monde 2026, remportée par le trio nord-américain qui avait reçu un soutien saoudien décisif ou encore l’exclusion de l’armée marocaine de l’exercice naval «Vague rouge-1», effectué au large de l’Arabie Saoudite, en octobre 2018.
La décision marocaine de rompre avec son aplaventrisme, du reste le temps d’une furie très passagère et non assumée, est principalement due à la diffusion d’un reportage par la chaîne Al-Arabiya sur le Sahara Occidental que d’aucuns considèrent comme une riposte de Riyad à l’interview accordé par le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, à la chaîne qatarie Al-Jazeera, au cours de laquelle ce dernier s’est autorisé des largesses que le statut de son pays ne permet pas. Le rétropédalage grotesque qu’il vient de faire en est la parfaite démonstration.
T. B.
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