Journalisme du pouvoir et de la finance : l’illusoire liberté de la presse en France
Par Mesloub Khider – S’il fallait une preuve sur le rôle totalement dévoué au capital des médias français, le mouvement des Gilets jaunes vient de l’illustrer.
L’information, comme toutes les activités de la société capitaliste, appartient au grand capital. La majorité des médias sont la propriété d’une minorité de grands financiers.
Les médias agissent ouvertement en organes du pouvoir des financiers et de l’Etat. Pour preuve : dans la révolte des Gilets jaunes, les médias français n’ont délibérément pas voulu voir la violence permanente de la misère, la violence sociale, la violence des patrons et des financiers, la violence des forces de l’ordre, la violence d’Etat. Mais uniquement la «violence» circonstancielle et résiduelle des Gilets jaunes exprimée, au cours des manifestations, par la destruction de quelques vitrines de magasins et de banques, les incendies de voitures, et les tags des murs. Cette focalisation sur cette résiduelle violence a pour dessein d’escamoter les violences protéiformes étatiques, politiques, économiques, sociales. D’inverser les responsabilités et la culpabilité en matière de violences.
En outre, ce n’est pas innocent si les médias concentrent toute leur attention sur la question de la violence en lieu et en place des revendications du mouvement des Gilets jaunes. Cette manœuvre permet au gouvernement de déporter le débat sur l’aspect sécuritaire, et corrélativement de remiser les revendications dans les tiroirs ministériels des affaires classées.
Il découle une inversion totale dans laquelle les victimes font figure de coupables. Les Gilets jaunes n’auraient pas dû se révolter pour revendiquer de vivre dignement. N’auraient pas dû manifester. Ainsi, les forces de l’ordre n’auraient pas eu l’opportunité de les réprimer. Et les Gilets jaunes de réagir, à mains nues. Devenant néanmoins «des casseurs». Autrefois, lors des libérations nationales, on les aurait qualifiés de terroristes, comme au temps de la Guerre de libération de l’Algérie. Car le peuple algérien voulait se libérer du joug colonial français, comme le «peuple gilet jaune» veut se libérer de la domination de la finance internationale.
Dupuis le début du mouvement gilets jaunes, les médias français agissent ouvertement en organes du pouvoir et des financiers. Par leur hostilité déclarée à l’égard des Gilets jaunes, les médias ont dévoilé la mystification de la liberté de la presse en France, la supercherie de la démocratie en matière de l’information. Les médias, comme toutes les institutions de la société capitaliste, appartiennent à de grands groupes financiers, ces instances dictatoriales qui dominent le monde. Et les journalistes sont les mercenaires idéologiques de ces groupes financiers capitalistes. Ils sont les exécutants intellectuels serviles des chefs de rédaction étatiques et financiers. Ils constituent la courroie de transmission de l’idéologie dominante. Sans les subventions de l’Etat, aucun média ne survivrait un mois. Donc, ces chiens de garde ne vont pas mordre la main qui les nourrit. Ces caniches du journalisme n’aboient que contre le peuple, ils ne bavent leurs informations rageuses que contre les classes opprimées. Ils réservent leurs morsures qu’aux classes populaires. A l’égard de leurs maîtres, ils s’affublent de leur muselière légendaire, pour les laisser dormir tranquille, gouverner dans la paix sociale et le respect de l’ordre établi.
Avec la révolte des Gilets jaunes, le dernier mensonge sur la prétendue liberté de la presse en France vient d’être brisé. Le peuple ne croit plus dans les menteurs professionnels des médias. Les médias eux-mêmes reconnaissent cette réalité.
Victime de leur couverture partisane du mouvement des Gilets jaunes, les médias sont en butte à une profonde crise de confiance. Les Français doutent de leur indépendance. Cette crise de confiance s’explique, selon la majorité des Français, par le manque d’indépendance des journalistes vis-à-vis du pouvoir politique et des pressions de l’argent.
«La confiance dans les médias à son plus bas niveau historique en France», titre BFMTV.
L’organe officieux de l’Etat français Le Monde écrit : «Selon les trois quarts des sondés, les journalistes sont jugés trop dépendants du pouvoir politique. Une critique entendue fréquemment au sein du mouvement des Gilets jaunes, qui préfèrent les live sur Facebook pour contrôler leurs propos et se méfient des porte-paroles, comme de toute médiation.»
En effet, de nombreux sondages publiés récemment ont révélé la perte de confiance en les médias. La population française n’a plus confiance dans les médias. Et le mouvement des Gilets jaunes a été l’occasion de comprendre l’asservissement des médias aux classes dominantes.
La télévision est également en chute libre. Média jusque-là préféré des Français pour s’informer, la télévision recueille un niveau de confiance de seulement 38% (-10 points en un an). La presse écrite s’effondre aussi à 44% (-8 points).
Autre signe de défiance : environ deux tiers des sondés jugent toujours que les journalistes ne sont pas indépendants ni du pouvoir politique (69%) ni des pressions de l’argent (62%).
Pareillement, les réseaux sociaux subissent la même érosion en matière de confiance. En effet, on pouvait penser que le mouvement des Gilets jaunes faisait confiance à internet, à Facebook, à Google, aux médias du net. Mais la même suspicion de collusion avec les puissances de l’argent et du pouvoir s’exprime à l’égard de ces instances dominantes de la toile.
De manière générale, depuis le déclenchement du mouvement Gilets jaunes, les médias se sont mobilisés contre ce mouvement.
Comme toute la presse française, Le Monde a diffusé sans discontinuer le mythe selon lequel les Gilets jaunes ce serait l’œuvre de l’extrême droite. Mais ce mensonge n’ayant pas eu l’effet escompté, les médias ont agité la vieille rengaine de l’antisémitisme pour dénigrer et calomnier le mouvement des Gilets jaunes.
Illustration : Le Monde du 20-21 janvier 2019 titre : «Les Gilets jaunes, terrain d’influence pour la nébuleuse complotiste»
On peut y lire : «… des figures conspirationnistes de l’ultra-droite se servent du mouvement» ; «… les dérapages se sont multipliés depuis le début du mouvement» ; «… la colère contre institutions démocratiques est le résultat d’une entreprise idéologique» ; «… ces obsessions complotistes antisémites autour de Macron et de la banque Rothschild s’affichent désormais dans les cortèges» ; «… en se servant du mouvement né le 17 novembre pour démultiplier leur influence, les complotistes et antisémites liés à l’extrême droite gagnent en visibilité depuis plusieurs semaines. »
Et de conclure : «Le jour de l’acte X, des figures complotistes et antisémites et d’extrême droite se sont finalement donné rendez-vous…»
Depuis, les médias français ont exhumé l’épouvantail islamiste. Ainsi, au début, il était question de la mouvance rouge-brun. Aujourd’hui nous aurions affaire à la mouvance brun-vert, ou encore rouge-brun-vert, voire jaune-rouge-brun-vert.
A l’évidence, ces derniers jours, la propagande médiatique a atteint son paroxysme en matière de désinformation. La campagne de terrorisme médiatique a franchi un nouveau cap. Pour asphyxier par des accusations calomnieuses le mouvement des Gilets jaunes, les médias l’accusent désormais d’antisémitisme, cette fiction lucrative sioniste jamais en peine d’imagination.
Parce que, depuis trois mois, il défie courageusement la classe dominante, le mouvement est calomnié. Pour accréditer la thèse d’antisémitisme du mouvement, les médias ont brandi des images d’un fait divers où Finkielkraut est traité de sioniste par un manifestant gilet jaune. Ainsi, pour présenter le mouvement comme antisémite, les médias français prétendent que la désignation de sioniste contre Finkielkraut serait de l’antisémitisme. Comme si juif et sioniste signifient la même chose. On peut être juif et antisioniste. Comme on peut être sioniste et musulman ou autre. Personne ne songerait que dénoncer politiquement une personne soutenant Poutine reviendrait à verser dans l’antislavisme. Ou dénoncer une personne soutenant la dictature moyenâgeuse saoudienne reviendrait à verser dans le racisme contre les musulmans.
Pour ne pas être en reste en matière de journalisme de caniveau, certains journalistes français, pour discréditer le mouvement et susciter l’amalgame, vont jusqu’à relever que des Gilets jaunes ont porté le keffieh palestinien. Donc, ce sont de potentiels terroristes au service de l’Etat islamique.
Ainsi, après l’amalgame Gilet jaune égal casseur, les médias ont brandi ensuite l’amalgame gilet jaune égal ultra-droite et extrême gauche. Aujourd’hui, pour tenter de briser de manière éhontée le mouvement, les médias aux ordres ont confectionné un nouvel amalgame : Gilet jaune égal antisémite.
En fait, par leur campagne terroriste médiatique, les journalistes français ne défendent pas les Juifs en les désignant comme des victimes des Gilets jaunes. Au contraire, par ce mensonge médiatique, les médias participent à livrer les Juifs à la vindicte populaire.
M. K.
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