Substitution
Par R. Mahmoudi – Longtemps prise à partie par les Gilets jaunes qui l’accusent de défendre systématiquement les positions du Président et de son gouvernement, la presse parisienne trouve dans les événements qui ébranlent l’Algérie depuis une semaine son sujet de substitution à travers une couverture plus libre, dans le sens où elle se sent moins exposée à l’autocensure et aux pressions du pouvoir ou de la rue.
C’est ainsi que les quotidiens à grand tirage (maintenus substantiellement grâce à l’aide de l’Etat) consacrent chaque jour des comptes rendus, des éditoriaux et des articles d’analyses qui, dans leur ensemble, décrivent un pays au bord du précipice. La plupart de ces journaux reprennent, sans gêne, des arguments à l’apparence judicieux qu’ils s’interdisent lorsqu’ils sont amenés à couvrir les manifestations en France.
Vitrine médiatique de l’establishment français, Le Monde illustre bien ce contraste. Dans un nouveau commentaire sur les événements en Algérie, qui coïncide avec les grandes marches prévues pour ce vendredi, ce quotidien du soir revient avec un article mettant en relief «l’absence physique» du président Bouteflika qui est, selon l’auteur, à l’origine de cette explosion populaire. «Le contraste entre l’absence physique du président et l’omniprésence des symboles le représentant est devenu insoutenable pour une grande partie des Algériens», écrit-il.
Le journaliste rappelle que «depuis son AVC, Abdelaziz Bouteflika passe la majeure partie de son temps dans la résidence médicalisée de Zéralda, grande banlieue ouest d’Alger. Quand il n’y est pas, il est à l’étranger, pour des contrôles médicaux périodiques à Paris, à Grenoble ou à Genève». Après un rappel des principales étapes marquant la présidence d’Abdelaziz Bouteflika depuis sa maladie, Le Monde fait un focus sur les images «éprouvantes» vues à la télévision le 1er novembre dernier. «C’est avec ces images en tête que la population algérienne a accueilli l’annonce de sa candidature, faite le 10 février».
De son côté, le quotidien de droite Le Figaro continue à s’intéresser de près à ce qui se passe sur la rive sud de la Méditerranée, mais avec, souvent, moins de préjugés. Dans sa dernière édition, ce journal publie une interview de l’écrivain Boualem Sansal. Le romancier se réjouit des manifestations «de grande ampleur» contre un cinquième mandat du président Bouteflika, mais dit redouter «la réaction du régime et des islamistes».
R. M.
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