Les monarchies du Golfe projettent leur guerre froide sur la scène algérienne
Par R. Mahmoudi – Plusieurs médias pro-qataris, Al-Jazzera en tête, ont fait un focus sur une banderole assez suspecte, brandie par des manifestants algériens vendredi dernier, sur laquelle est écrit en arabe : «A bas les Emirats (arabes unis, ndlr) ! A bas Bouteflika», auréolé du slogan générique de toutes les marches : «Non au cinquième mandat».
Ces médias n’ont pas besoin de voir d’autres signes ou d’autres preuves pour en conclure que les Emirats arabes unis comploteraient pour noyauter la protestation algérienne, en vue de la détourner de sa vocation et de ses objectifs. Quel intérêt trouverait le régime d’Abu Dhabi à «saborder» le soulèvement du peuple algérien ? Pour ces thuriféraires du «printemps arabe», les Emiratis auraient pris sur eux, avec l’aide du parrain saoudien, de mener des «contre-révolutions» là où il y a début d’ébullition dans tous les pays de la région arabe. Ils l’auraient déjà fait en Egypte, en soutenant le général Sissi contre les Frères musulmans ; en Lybie, en finançant notamment le maréchal Haftar face au gouvernement pro-qatari de Tripoli, et même en Tunisie, où ils auraient réussi à évincer le mouvement Enahadha de Rached Ghannouchi du pouvoir. L’Algérie serait aussi inscrite sur les tablettes de ces «manipulateurs aguerris» qui se seraient proposé, d’après les mêmes médias, d’intervenir pour «tuer la révolte dans l’œuf».
Ces médias n’apportent évidemment aucune preuve sur une présumée infiltration de manifestations populaires algériennes contre le pouvoir en place par des agents émiratis, ni d’ailleurs par quelques agents étrangers que ce soit. Même s’il ne faut jamais écarter une telle éventualité dans le contexte actuel, comme n’ont pas manqué de le soulever nombre d’hommes politiques algériens, y compris ceux de l’opposition.
Très attentifs aux risques de manipulation étrangère, les manifestants algériens ont tôt fait d’afficher leur rejet de toute «ingérence étrangère». «Non au printemps arabe ! Non à l’influence occidentale !» a-t-on pu lire dans une de ces pancartes résumant la spécificité de la révolte algérienne.
R. M.
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