Situation politique en Algérie : les conseils de Human Rights Watch à Bouteflika et au pouvoir
Par Sadek Sahraoui – L’ONG de défense des droits de l’homme Human Rights Watch estime que l’annonce par le président Bouteflika du retrait de sa candidature ouvre sur plusieurs perspectives et pose des questions multiples.
Pour HRW, «l’une des plus importantes portes sur l’avenir des droits et libertés en Algérie, qui continuent de souffrir du joug d’un système répressif, est au cœur des revendications de dignité et de liberté des manifestants».
Human Rights Watch assène, dans un communiqué rendu public cette semaine, que «pour l’instant, rien ne laisse présager des changements en profondeur». Au contraire, affirme l’ONG, «l’annonce s’est concentrée sur une batterie de mesures d’ordre politique, que d’aucuns ont qualifiées de fallacieuses». «D’abord, le report des élections présidentielles qui devaient avoir lieu le 18 avril 2019 ne s’accompagne d’aucune nouvelle date et ne se base sur aucun texte constitutionnel permettant d’encadrer le déroulement institutionnel de ce report. Ensuite, l’annonce par Bouteflika de la création d’une ‘’conférence nationale’’, qui serait ‘’inclusive et indépendante’’, en charge de préparer des «réformes et d’instaurer un nouveau système de transformation de l’Etat-nation», ne s’accompagne pas d’un agenda concret ni de modalités nouvelles de gouvernance», analyse HRW.
L’ONG soutient qu’«au contraire, cette conférence sera officiellement placée sous l’égide d’une ‘’instance présidentielle’’, ce qui revient encore une fois à une mainmise de l’Exécutif sur le déroulement de la transition ainsi compromise».
Human Rights Watch rappelle à ce propos que «plusieurs personnalités, issues de la société civile ou de partis politiques d’opposition, ont immédiatement dénoncé ces annonces comme des manœuvres du puissant establishment militaro-politique, destinées à lui faire gagner du temps tout en divisant l’opinion publique et sapant la mobilisation», ajoutant que «le soir même et le lendemain, des marches ont eu lieu dans plusieurs villes d’Algérie pour protester contre ces annonces et pour réclamer un vrai changement de régime».
Comment HRW voit l’avenir immédiat de l’Algérie ? Pour l’ONG de défense des droits de l’homme, «il est difficile de savoir quelle sera l’issue de ce bras de fer entre la rue et les dirigeants. Mais il est d’ores et déjà clair, au vu des slogans brandis par de nombreux manifestants, que ces derniers aspirent à la fin d’un système qui les a étouffés pendant des décennies et au respect de leurs droits de citoyens par les dirigeants au pouvoir».
Aussi HRW estime-t-elle «indispensable que les dirigeants du pays entendent ces aspirations et les traduisent en un programme politique clair». «Pour ce faire, des réformes importantes doivent être entreprises pour établir le socle d’un système de gouvernance démocratique. Avant tout, il s’agit de libéraliser l’espace de l’action publique et d’asseoir les bases d’un nouveau système de gouvernance respectueux des droits humains», conseille Human Rights Watch.
L’ONG rappelle que «la perspective d’un cinquième mandat pour un président que beaucoup d’analystes disent notoirement incapable de diriger le pays (…) a renforcé ce sentiment d’humiliation profonde que des milliers d’Algériens disent avoir ressenti».
S. S.
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