Emmanuel Macron révèle comment la France s’ingère perfidement en Algérie
Par Karim B. – C’est un président français mal à son aise qui répondait à une question de l’historien Benjamin Stora sur le dossier algérien dans le débat qu’il a initié avec les intellectuels français. Contrairement à sa spontanéité habituelle qui lui a valu beaucoup de déconvenues, Emmanuel Macron cherchait précautionneusement ses verbes dans le riche vocabulaire français pour éviter les mots qui fâchent.
Il explique sa gêne d’emblée : «Je partage ce qu’a dit Benjamin Stora avec les contraintes qui sont les miennes», en explicitant le fond de sa pensée devant un parterre d’académiciens qui ne le suivaient pas. «Je suis intellectuellement d’accord et politiquement placé dans une situation qui est différente», a-t-il renchéri, en soulignant que «quelque commentaire que ce soit (sur l’Algérie, ndlr) est perçu comme une immixtion». «C’est la grande difficulté», a-t-il dit.
Mais à force de vouloir dire les choses sans les nommer, Emmanuel Macron s’est pris à son propre piège en trahissant une ingérence déguisée et continue de la France dans les affaires internes de l’Algérie. Le président français, par là même, étaye l’analyse d’Algeriepatriotique sur le double-jeu de Paris qui, à l’Elysée et au Quai d’Orsay, brandit la carte du refus d’ingérence et, à Alger, chauffe la rue à travers sa représentation diplomatique et ses relais dans les médias et au sein de la société civile.
«Si j’en venais – en tout cas de là où je suis, où je parle – à choisir mes interlocuteurs dans l’opposition ou dans la rue, d’abord, je commettrais une erreur fondamentale vis-à-vis d’eux, c’est-à-dire que je les condamnerais au discrédit immédiat, et je pense qu’on ouvrirait un débat qu’on connaît par cœur dans la relation franco-algérienne, le débat de l’immixtion dans la politique, etc.», a confié Macron qui laisse donc cette tâche à son ambassadeur à Alger, tout en se tenant «très à distance de ce sujet».
«Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas des échanges avec ceux qui dirigent aujourd’hui l’Algérie pour essayer de comprendre, d’accompagner et de faire passer les messages d’une transition. Mais je ne peux pas aller beaucoup plus loin sur ce sujet», a souligné Emmanuel Macron. «Il faut accepter, compte tenu de notre histoire commune, d’avoir une forme d’art du contournement, en tout cas, de politique indirecte extrêmement respectueuse de la souveraineté et du contexte», a-t-il conseillé, en invitant les intellectuels français à agir de façon plus directe : «Vous êtes plus à même d’agir plus efficacement», a-t-il lancé à l’adresse de ses interlocuteurs du monde académique.
Le président français a, à cette occasion, annoncé la tenue en juin prochain, à Paris, d’un «sommet des deux rives». «Ce n’est pas nouveau d’avoir une politique méditerranéenne, c’est une politique qui s’est souvent ensablée dans le conflit du Proche et Moyen-Orient et dans les divisions européennes», a regretté Macron. «L’idée, a-t-il expliqué, c’est d’avoir un sommet 5+5 – pas simplement la France et les cinq pays de l’autre rive, mais il s’agit d’associer nos partenaires européens qui sont intéressés au sujet et de le faire avec les gouvernements, mais aussi les jeunesses, le monde intellectuel, le monde culturel».
Le locataire de l’Elysée, contesté chez lui, entend remettre au goût du jour le projet avorté de l’Union pour la Méditerranée avec une «déclinaison» pour que ce dialogue «se nourrisse, parce que je pense que c’est une manière aussi de reconstruire un vrai dialogue au sein du Maghreb qui, aujourd’hui, s’est fracturé sur beaucoup d’autres sujets».
«L’Algérie est un pays jeune où pendant trop d’années – je l’ai dit quand je me suis rendu en Algérie – on a considéré que l’avenir d’un jeune Algérien ou d’une jeune Algérienne qui voulait réussir c’était de venir faire ses études en France. Il y a donc des choses à faire avec les milieux scientifiques, académiques et intellectuels, dans le cadre d’échanges», a suggéré le président français, avant de conclure que cette approche par la culture et la science est «très utile» et «n’est pas entourée ou nimbée de soupçons».
K. B.
Comment (47)