Le général Nezzar à Louisa Hanoune : «La décennie 90, parlons-en !»
Nous publions la réponse du général à la retraite Khaled Nezzar à la présidente du Parti des travailleurs (PT) qui, dans le démenti de son parti suite à notre information sur sa rencontre avec Lakhdar Brahimi, a fait une allusion aussi pernicieuse qu’inopportune à l’ancien ministre de la Défense nationale.
Louisa Hanoune a-t-elle rencontré Lakhdar Brahimi ou ne l’a-t-elle pas rencontré ? La belle affaire ! Faux ? Il lui suffisait de démentir et les choses en seraient restées là. Abdelaziz Rahabi qui, en plus d’être un honnête homme, est aussi un homme de bon sens, a rencontré l’ancien diplomate. Il a expliqué quand, pourquoi et où. Personne n’a appelé à son lynchage. Les Algériens sont loin d’être dans la déraison. Louisa Hanoune, Abdelaziz Rahabi, Saïd Sadi peuvent parler avec qui ils veulent, des protagonistes ou des comparses. Ils sont dans leur rôle d’acteurs politiques. Ils ont le droit d’écouter, de proposer, de s’aligner ou de repousser.
Mais Louisa Hanoune s’offusque, rage, fulmine, tape du pied, hystérise. Elle convoque la décennie 90 pour décocher des mots durs, rêches et épineux. La décennie 90 ? J’y reviendrai plus loin. Mais, d’abord, pourquoi cette réaction violente et indignée ? Lakhdar Brahimi est-il devenu si infréquentable que le seul fait de lui serrer la main présenterait un risque de contamination ? C’est vrai, l’homme semble avoir accepté une mission bien hasardeuse. Lakhdar Brahimi n’est pas en vacances en Algérie. Il pêche, toutes lignes immergées. Il a choisi l’appât et calculé le lancer. Mais ça ne frétille pas fort au bout de la ligne. Il est patient. Il revient au bord de l’eau. Sauf que le long fleuve tranquille est devenu un torrent impétueux qui est en passe de briser comme un fétu de paille l’arche de Noé où ont pris place les espèces menacées. Il sait faire. Il étale sous nos yeux ébahis l’Irak, la Syrie et d’autres lieux où le malheur des peuples l’a conduit.
Passons ! Quand on sort par gros temps, on accepte d’être mouillé, surtout quand le parapluie est crevé.
Pathétique ce «encore une minute, Monsieur le bourreau !». Supplication désespérée d’une dame célèbre(*) qui, le cou engagé dans la lucarne fatale, n’arrivait pas à croire que la splendeur et les pourpres allaient à jamais disparaître. Qui s’assoit sur la chaise bancale des allégeances périt de la chaise bancale des lâchetés.
Le système, qu’est-ce que le système ? Un assemblage de starring box où prenaient place des chevaux de retour pour la plus ignominieuse des courses : la course à la brosse. Brosseurs de souliers, épousseteurs de tapis rouge, vendeurs à la criée des vertus divines du messie, c’est à qui trouverait la meilleure formule pour buriner son profil et le rendre plus visible.
Louisa Hanoune revient à la décennie 90. Pour dire l’ampleur des sacrifices de ceux qui, jour après jour, nuit après nuit, ont été au chevet de l’Algérie ? Non ! Elle se place encore aux côtés de ceux qui pensent que leur heure est arrivée. Elle fait ce qu’elle sait faire. Elle hume le vent et part en flèche dans la direction où il souffle. Souvenons-nous, hier, au lendemain du massacre de Bentalha. Elle disait à une chaîne française : «La caserne est à vingt mètres. Vingt mètres ce n’est pas beaucoup, n’est-ce pas ?» C’était le temps du «qui tue qui» et de la désinformation. Forcené fut le combat de Louisa Hanoune pour réhabiliter les chefs du FIS et les faire libérer du pénitencier où ils purgeaient leur peine.
Pour ma part, je ne me suis jamais voilé la face ; j’ai assumé et affronté le problème, y compris devant les juridictions étrangères. Si les plaintes des salafistes déposées à Paris ont été classées rapidement, celles de Suisse traînent depuis plus de huit années. Classées puis reprises par les juridictions helvétiques mais elles auront le même sort que les premières. Venez ajouter votre nom à la liste de mes accusateurs, le ministère public de la Confédération suisse est preneur, osez et faites vite !
Les événements de 1988, comme ceux de 1992, ont été souvent évoqués par moi et rappelés encore dans mon dernier livre intitulé La Séquence politique et publié aux éditions Chihab, à Alger. Cet ouvrage est à la portée de toute personne qui voudrait savoir ce qui s’est réellement passé il y a presque trente ans.
Rappeler ces événements en un tel moment n’est pas innocent. Les esprits sont échauffés et la division des Algériens est dangereuse. Des tueurs d’enfants et de femmes et leurs idéologues sont toujours là, aux aguets, en embuscade. Ils tentent d’occuper le devant de la scène. Ils donnent de la voix. Ils ne leurreront personne. Les jeunes, qui ont désormais pris en charge leur avenir et celui de leur pays, ne se laisseront pas faire. Ils n’accepteront aucune récupération.
On avait chaque jour le spectacle surprenant du couple contre nature : la passionaria du PT et Savonarole, l’imberbe de Kouba, pacsés pour les besoins de la mauvaise cause.
Trotsky, l’ancêtre idéologique de Louisa Hanoune, est resté linéaire et droit jusqu’à ce que le maître du Kremlin lui fît entrer à coups de piolet dans le crâne le b.a.-ba des us et coutumes du système qui sévissait là-bas. Elle n’a hérité de lui ni la force des convictions ni la vision juste des choses.
Sant’Egidio a été le summum du summum de l’incohérence idéologique. Militante de gauche un jour et salafiste le lendemain. Il est vrai qu’elle était, sous la coupole de Saint Egide, en mission commandée par qui vous savez.
Trêve de bluffs, d’esbroufes, de subterfuges et d’hypocrisies. La seule fois où Louisa Hanoune a été face à l’urne de la rue, elle a eu son trop plein de voix, condensées en un seul cri : «Dégage !»
Khaled Nezzar
(*) Jeanne du Barry, maîtresse de Louis XV, guillotinée le 8 décembre 1793.
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