Il faut revenir à une indépendance complète de la Banque d’Algérie
Par Mourad Chikhi – Les événements qui se déroulent à I’heure actuelle en Algérie nous interpellent tous. Le tournant majeur que notre pays s’apprête à prendre ne doit pas sous-estimer la crise économique et financière sous-jacente. Les attentes de la population sont immenses. II paraît donc utile de jeter quelques balises sur le parcours qui reste à effectuer, notamment dans les domaines économique et financier.
A ce stade, il est inutile de revenir sur les déséquilibres récurrents, connus de tous, qui entravent et ralentissent le développement de notre pays, et ce, malgré de multiples réformes, tous secteurs confondus. L’étape essentielle et préalable pour sortir de cette situation est d’ordre politique. Le défi est alors de faire accoucher la deuxième république. Tout le monde en convient, autorités incluses. Ce chantier est en cours. Nous formulons l’espoir que le délai de réalisation sera maîtrisé.
En attendant et pour donner quelques chances de succès aux réformes à venir, il est primordial de les arrimer au moins aux préalables suivants.
Il est nécessaire de revenir à l’indépendance complète de la Banque d’Algérie et de couper le cordon ombilical avec le Trésor. Les missions de la Banque centrale sont connues et majeures. Il suffît de revenir à ses statuts. Il peut être rappelé que «la Banque centrale a pour mission de créer et de maintenir dans le domaine de la monnaie, du crédit et des changes, les conditions les plus favorables à un développement ordonné de l’économie nationale, en promouvant la mise en œuvre de toutes les ressources productives du pays, tout en veillant à la stabilité interne et externe de la monnaie». Tout un programme. Cela devrait être inscrit dans la Constitution pour protéger la Banque centrale contre toute entrave à l’exercice de ses missions. Dans ce cadre, la Banque centrale sera forcée de revisiter ses instruments de régulation et de supervision. Pour en finir avec ce point, le pays a besoin d’une vraie monnaie aux plans interne et externe, sans quoi résorber l’informel et les marchés parallèles de toute sorte serait impossible.
Il est absolument indispensable que tout le monde paye ses impôts, petits comme grands contributeurs. Seules des autorités élues seront en mesure de réaliser cet objectif. La culture de l’impôt, du «juste impôt», doit être inhérente au «nouveau» citoyen. Car c’est de cela que dépend la construction d’un pays et de ses services publics. La communication à cet effet est fondamentale, ainsi que la modernisation des services fiscaux via le numérique. II est à relever à ce sujet les améliorations enregistrées par certains secteurs (intérieur, état civil, système de paiement).
Il est urgent de préparer un programme global de restauration de notre économie sous tous ses aspects. Cela nécessitera des mesures dures, voire impopulaires, mais incontournables Encore une fois, seules des autorités légitimes pourront les faire admettre. Leur succès dépendra aussi des moyens de financement internes et externes. Compte tenu des attentes, ces moyens sont aujourd’hui insuffisants.
Quelle est alors la voie à suivre ? Il convient d’engager de façon parallèle des négociations nationales et internationales aux fins de mobilisation des financements requis. Pour ce faire, il serait intéressant de consulter la population à travers l’organisation de débats sur tout le territoire afin de recueillir les éléments et propositions indispensables à l’élaboration d’un programme d’action et de son financement. Des controverses ne manqueront pas de naître, d’où l’intérêt de susciter l’adhésion générale de la population à travers ces débats. Leur durée ne saurait dépasser deux mois.
Le volet international de ce programme et son financement doivent s’appuyer sur l’expérience acquise durant la mise en œuvre du programme d’ajustement structurel du FMI, en 1994. Il y aura lieu d’ouvrir des discussions avec les Institutions financières internationales pour adapter, selon le cas, le programme national en relation avec leurs critères de financement. A ce stade, notre atout majeur est l’absence de dette extérieure avec tout ce que cela implique comme obligations. II s’agira plutôt de «vendre», sous la couverture du fini, le plan en question adopté conjointement par notre pays et le FMI aux fins de mobilisations des fonds nécessaires, et ce, au moindre coût, tout en intégrant le souci majeur de protection des couches sociales défavorisées à travers notamment une forte croissance des secteurs hors hydrocarbures (agriculture, tourisme, services). Des montants importants ont ainsi été mobilisés récemment au profit d’un pays de la sphère occidentale.
Enfin, il faut arrêter de «diaboliser» le FMI dont nous sommes membre. Notre pays participe chaque année à son assemblée générale et reçoit périodiquement ses missions de revue de notre économie. II faut au contraire en tirer parti et ne pas s’engager dans des polémiques stériles, basées sur des clichés. Les voix qui entretiennent ces polémiques n’offrent souvent pas d’alternative solide et pensent, pour de fausses raisons, se soustraire aux audits et revues qui accompagnent souvent ces programmes.
M. C.
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