Bouteflika serait-il le Néron des temps modernes ?
Par Dr Mohamed Maïz – Il est, à travers l’histoire, de saisissantes similitudes, qui tendent à corroborer la croyance religieuse indoue de la réincarnation des âmes, dans la trajectoire séculaire de leur karma.
Ainsi, on retrouve dans la sphère politique algérienne l’impact de l’ADN des tyrans que furent les empereurs romains, Caligula et Néron, réputés pour leur folie destructrice.
Dans un mépris, mégalomaniaque, à l’endroit des représentants du peuple et des institutions, Caligula (empereur romain de 37 ap. J.-C. à 41 ap. J.-C.), aurait désigné son cheval, en qualité de sénateur.
Tout aussi démentiel, Néron (empereur romain de 54 ap. J.-C. à 68 ap. J.-C.) aurait trouvé, pâmé de béatitude esthétique, quelque beauté dans le tableau des flammes de l’incendie qui ravageait Rome.
Comment ne pas établir un parallèle avec l’actualité algérienne, au constat du degré de vénération vouée à des cadres, en bois, cernant des portraits présidentiels en en figeant l’âge et auxquels on offre, dans un rituel, tragi-comique, des cadeaux et, même un cheval, que l’on ceint de décorations officielles et que l’on brandit, comme ce fut le cas récent à la Coupole du 5-Juillet, les yeux embués de larmes d’émotion, le tout dans des cérémonies ou l’ineptie le dispute à la débilité, collective.
Il ne restait à Bouteflika que nommer son cadre comme sénateur.
Une idolâtrie qui dépasse l’entendement, voire même la dignité humaine, allant jusqu’à comparer Bouteflika aux envoyés de Dieu !
La lettre présumée être du président Bouteflika est l’expression d’une mégalomanie et d’un entêtement dès lors que les partisans de la continuité du 4e mandat, font, ouvertement, dans la provocation à l’affrontement, avec un peuple que l’on croyait, à tort, définitivement, anesthésié et qui, à l’unisson, lui signifie sa fin de mission.
Inconstitutionnelle, inappropriée et provocante est la réponse de la nébuleuse présidentielle à la revendication citoyenne, qui exige le départ immédiat d’un système hermétique aux aspirations démocratiques et pervertir par une amoralité, à grande échelle, afin que puisse être entamé le chantier de la refondation et la reconstruction du socle sociopolitique.
En totale asymétrie par rapport à l’attente populaire d’une hauteur de vue, nationaliste et patriotique, à la mesure de la délicate étape, actuelle, du processus historique national, la lettre à la nation, décevante par ses velléités combatives d’arrière-garde et une indigence, ou l’autisme le dispute à la roublardise, exprime, au-delà des déclarations lénifiantes, une fin de non-recevoir des exigences citoyennes, auxquelles il est opposé une démarche alambiquée, visant au rafistolage, désespéré et à moindre coût d’un régime rattrapé par ses anachronismes, ses tares structurelles et ses échecs politiques et économiques.
Déclinée en sept péremptoires et unilatérales propositions, l’offre du pôle présidentiel repose sur des mesures inconstitutionnelles.
Dans un coup de force contre la constitution, le schéma décide du report des élections, de la prolongation du mandat en cours et de la création, suite au vide juridique créé par le désordre constitutionnel induit par le putsch, d’une période de transition, dont la gestion, subtilisée au peuple, est confiée au système. Le tableau concocté, est complété par la tenue d’une conférence nationale, aux buts, politiciens, douteux, qui envisage d’impliquer la classe politique inféodée, responsable de la catastrophe. Le pouvoir cède, par calcul, sur l’instance chargée de la surveillance des élections et recule pour mieux sauter, le moment venu.
Simultanément, la démarche réalise des objectifs collatéraux au bénéfice exclusif du système. Elle extirpe d’un embarras, certain, le fidèle président du conseil constitutionnel, empêtré dans une problématique validation d’une candidature présidentielle, autour de laquelle l’attendait tout ce que compte l’Algérie, de médecins, de juristes, sous l’œil attentif de la communauté internationale. Elle épargne, parallèlement, aux démarcheurs de ce qui devait être la campagne électorale de leur mentor, l’insulte des salles désertées par une population révulsée par l’indécence d’un 5e mandat et l’indignité pour le candidat à sa succession, d’entrer dans le déshonneur d’une compétition animée des concurrents – lièvres, dont la base électorale se ramène, pour la plupart, au cercle familial.
Outre les conséquences imprévisibles que peut développer, au plan interne, l’obstination et l’addiction au pouvoir d’un vieil homme, valétudinaire, rejeté par le peuple, l’initiative politique, en question, malgré le rappel de la solidarité générationnelle pour la commercialiser, ne pouvait, parce que partiale, unilatérale, partisane et roublarde, que heurter l’intelligence du peuple et amplifier sa radicalisation.
En effet, pacifiques, mais averties des capacités manouvrières d’un régime, retors, les forces sociales, par leur réaction massive et unanime, ont exprimé, avec détermination, leur rejet du fait accompli, leur ténacité à faire partir le système et leur décision irrévocable, de prendre en main leur destin national.
L’histoire enseigne que le jusqu’au-boutisme est inscrit dans l’ADN des régimes de «démocrature» (dictature à façade démocratique). La mégalomanie et l’égocentrisme des hommes de pouvoir qui président aux destinées des pays de non-droit expliquent, de par leur étanchéité culturelle, ces cécités dictatoriales, qui les mènent aux situations les plus dramatiques.
De ce point de vue, l’usurpation de la fonction présidentielle au-delà de la date d’expiration du mandat qui s’achève, pourrait être le prélude au recours, à tous les moyens, pseudo-juridiques et/ou répressifs, pour imposer, contre vents et marées, la solution du système, confisquer l’espace public d’où s’élèvent les clameurs citoyennes, qui indisposent, perçues comme des crimes de lèse-majesté, et revenir à une confortable case-départ, ronronnant à l’allégeance, à la dévitalisation démocratique et à la vénération du chef.
Mu, dans toute sa composante humaine, par une lucidité et une conscience politique remarquables, le mouvement citoyen marque, par ses vendredis glorieux, sa détermination à fermer la parenthèse du système actuel et à renouer les fils du processus historique, dévié de sa trajectoire démocratique et sociale, tracée par les visionnaires de la Soummam, par l’irruption, violente, de l’armée des frontières dans la sphère de la gouvernance.
Ramenée à ces préoccupations, hautement nationalistes en ce qu’elles prônent la fidélité aux idéaux des martyrs de la révolution, trahis par un système, liberticide, la lettre à la nation dans sa persistance à vouloir se situer à contre-courant du sens de l’histoire qui avance et à tenter de prolonger par le subterfuge, la durée de vie, d’un régime frappé de préemption, apparaît dans toute sa petitesse et toute sa mesquinerie.
Or, en ces moments de ferveur patriotique, le pouvoir en place, en décalage par rapport au peuple, prend la grave décision de solliciter le soutien de la France, qui, au nom de la défense de ses intérêts en Algérie, s’est empressée, contre retour sur investissement, d’adhérer à l’initiative présidentielle contre le peuple.
La sollicitation de la «main de l’étranger», par ce même pouvoir qui l’a tant décriée, rend compte, à un peuple abasourdi et révolté, du coup porté à la souveraineté et la décision nationales.
Les annales de l’histoire sont pleines d’exemples de ces dictateurs, aveuglés par leur capacité de manœuvre et leur puissance, du moment, qu’ils s’accrochent, éperdument au pouvoir et qui, fatalement, finissent par le quitter dans des conditions qui relèvent, parfois du TPI.
Absurde est la responsabilité de ceux qui, sur injonction, ont fourbi le stratagème, infiltré, dans la lettre à la nation, dans le seul but de piéger et de saper l’élan populaire et de permettre à un égo qui ne peut concevoir son existence en dehors du pouvoir, d’usurper la fonction présidentielle jusqu’à ce que mort s’en suive.
C’est une insulte, inoubliable et impardonnable à la mémoire de nos valeureux martyrs, que de quémander, au détriment de la souveraineté nationale, l’appui des puissances étrangères, pour prolonger, contre l’aspiration démocratique des citoyens, unis dans un même objectif, la vie d’un système, frappé de désuétude et d’illégitimité, qui affiche, par l’endossement du putsch constitutionnel, son appartenance au cercle des pays de non-droit.
Que réfléchissent, longuement, aux conséquences de l’ignominie de leur acte les Karzaï locaux qui seraient tentés, pour quelques dinars de plus, de prêter main forte au régime, en s’impliquant dans le détournement de la volonté populaire et en acceptant de s’engager,, dans une démarche présidentielle truffée de supercheries et rejetée en bloc et dans le détail, par des forces sociales, déjà tournées vers l’avenir. Que ceux qui seraient attirés par une carrière de «harki», sachent que la traîtrise est une marque de déshonneur indélébile et intemporelle.
Le reste, tout le reste est une affaire du génie d’un peuple qui n’a jamais failli à ses responsabilités historiques, malgré la longue nuit coloniale et le système qui lui a succédé.
Pour finir, mon dernier mot je le dédie à cette valeureuse et digne jeunesse qui a pu et su faire renaître l’espoir d’une Algérie de justice, de droit, de dignité et de prospérité.
Jeunes, restez mobilisés, battez-vous contre toutes ces lèpres que sont l’injustice, le fanatisme, l’égoïsme, la lâcheté, le mensonge, la dictature, la rapine, la servilité, la corruption.
Rejetez ce système globalement et dans le détail, ce système qui vous a humilié, marginalisé, appauvri, volé vos richesses, vos espoirs et vos rêves.
Restez vigilants, car le pouvoir voudra vous leurrer, vous diviser, restez solidaires et pacifiques.
Vous avez donné une leçon de civisme et de maturité à tous ces assassins de l’espoir, ces hyènes tapis dans les cercles du pouvoir.
Vous êtes notre fierté et celle du million et demi des martyrs qui vous regardent d’en haut les larmes aux yeux, parce qu’ils voient en vous le fruit de leurs sacrifices.
Vous êtes notre fierté, vous êtes les dignes héritiers du peuple de novembre.
Réveillez l’espérance en vos concitoyens en vous mettant du côté de la responsabilité, du devoir, de l’engagement !
Ne baissez pas les bras, ne soyez pas veufs de révolution !
Combattez par un engagement pacifique cette toute puissante pourriture de l’argent et du pouvoir ! Ce même pouvoir qui a créé une société du dégoût et du désespoir, même s’il demeure en chacun de nous la petite flamme, parfois vacillante, jamais éteinte, de l’espérance !
Gloire à nos martyrs !
Vive l’Algérie !
M. M.
Membre de l’Observatoire citoyen algérien (OCA)
Ndlr : Les opinions exprimées dans cette tribune ouverte aux lecteurs visent à susciter un débat. Elles n’engagent que l’auteur et ne correspondent pas nécessairement à la ligne éditoriale d’Algeriepatriotique.
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