La démocratie en Algérie : un horizon ajourné

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Les enfants de Bouhired peuvent-ils avoir peur de l'avenir ? PPAgency

Par Abane Madi – La situation qui prévaut dans notre pays suscite de l’espoir, parce qu’il semble qu’une certaine démocratie pourrait s’instaurer ; mais aussi de l’inquiétude parce que les contre-révolutionnaires ne résistent pas aux tentations de l’opportunisme et du carriérisme. Dans les rouages de l’Etat pullulent des bourgeois voraces, des bureaucrates virulents et des idéologues en phase avec le conservatisme mondial.

En Algérie, la quête du progrès est coincée par les conservateurs agissant aussi bien dans les institutions que dans l’espace public, coincée aussi par les réflexes induits par la libéralité. Se taire, c’est livrer les appareils étatiques aux bureaucrates aux relents toujours inassouvis. Le chef de l’armée appelle à la lecture du texte de la Constitution en se donnant le droit de le fermer à toute polysémie pourtant fondatrice. Le texte est la somme de contradictions dont la résolution se réalise par la négociation qui aboutirait à un compromis. L’énoncé (intrinsèque) convoqué a-t-il un contre-pouvoir discursif ? La discipline de l’armée déteint sur l’appréhension des parcours de la contingence historique. L’ordre (nidham) a horreur non seulement de la pluralité, mais de la politisation des masses précaires. Le militarisme est le pilier central de l’idéologie algérienne, semblent nous dire les adeptes du patriotisme totalitaire.

L’élan révolutionnaire des dernières semaines résistera-t-il à l’usure ? Les rentiers de tous bords sont aux aguets. Il n’est pas sûr que la révolution leur échappe. Les contre-révolutionnaires ne laisseront pas facilement le pouvoir faire sa mue. Passer à une démocratie et à une ère moderne, cela a un coût : les élites seraient indignes si elles ne s’impliquaient pas dans les débats profonds de la société (la société dans son versant existentiel, c’est-à-dire la psyché ontologique). Accompagner le peuple dans la pensée de soi est un devoir échu aux entités de la médiation sociopolitique.

Une fois remise sur les rails, l’Algérie se mettra à penser son projet national. La fête qui a permis l’éclosion de la démocratie ne devra pas déboucher sur une mélancolie collective. Les cumuls de l’Histoire sauraient-ils se transformer en expériences qui auront à former la psyché collective ?

Il faut un temps pour que la délibération populaire se forme en ossature d’un projet politico-idéologique : parler, c’est se considérer comme le tuteur du présent conjugué au politique. Le politique garantit la pensée collective de soi et la neutralité de l’éthique dans le traitement des litiges existentiels communs.

Qui pilotera la transition ? Djamila Bouhired semble être le meilleur des choix. Mais sans infrastructure institutionnelle, elle ne réussira pas. Il faut que l’Etat se mette au service de la démocratie : les appareils et les instances d’Etat devront accompagner le passage à la démocratie et à la modernité. Sans l’appui des organes de l’Etat, le passage à une nouvelle république serait un mirage aux conséquences imprévisibles.

Les délibérations populaires devront être pensées. Comment faire ? Organiser des débats vespéraux dans les quartiers, les villages, les lieux de travail et dans le mouvement associatif. Rompre avec le topo psychique incarnant la guerre dû à la décennie noire, ce serait un grand acquis. Les secrétaires de séances feront défaut (jamais un parti n’a jugé majeur le fait de former les militants dans les tâches qu’ils doivent mener) : qui écrira quoi ? Les greffiers, les secrétaires d’associations, les étudiants et les lettrés (de façon générale) pourraient aider à retranscrire ce que disent les débatteurs. Quelles thématiques aborder ? Celles qui s’inscrivent dans un cadre national ? Les thématiques devraient être affinées par les cumuls de la discursivité issus des débats. L’énoncé historique pourrait se situer entre une subjectivité guérie des névroses originelles et des objets scientifiques refondables.

Les questions cruciales devraient être soumises au débat. Les débats ne doivent censurer aucune question.

Une assemblée constituante devra être élue par le peuple qui agit sur son présent. Les sacrifices seront plus durs que les marches tenues par le peuple. Faire l’effort sur soi est une obligation que devrait observer chaque sujet national.

Faire l’effort sur soi doit être le leitmotiv de tout un chacun et la suffisance doit être bannie de tous les esprits.

A. M.

Comment (3)

    MELLO
    29 mars 2019 - 16 h 20 min

    Bien avant 1954, toutes ces questions et appréhensions ont été le point culminant d’un groupe de militants , les 22 , qui avaient déclenché le 1er Novembre 54. Alors du 1-11 au 22-2 , le pont , bien que trop long, commence à prendre forme. Le peuple se reapproprie la politique et commence à séparer le bon grain de l’ivraie. Cette politique fut confisquée par le régime depuis sa propre intronisation en 1962 pour se succéder à lui même durant plus d’un demi siècle, mais aujourd’hui l’article 102, l’article 7, l’article 104 et toute la Constitution n’ont plus de secret pour cette jeunesses connectée la DÉMOCRATIE n’a plus de secret , tout comme celle appliquée dans les djemaas de Kabylie, une organisation ancestrale à permis aux villageois de défendre leur liberté individuelle et collective. L’Algérie est devenue un gros village où des sages se porteront , volontairement, à la tête pour assurer la transition vers cette ALGÉRIE DÉMOCRATIQUE.

    Karamazov
    29 mars 2019 - 12 h 10 min

    Je me souviens de l’époque ou on disait la liberté même si on devra mangé des pierres on n’a pas été jusque-là mais on ne pas dire qu’on a été libre non plus. Et maintenant on chante la démocratie même s’il faudra en chier. L’un n’empêche pas l’autre effectivement. Entre les temps où les caisses étaient pleines et que nos dirigeants gardaient tout pour eux et ceux où elles sont vides et qu’ils nous ne donneront rien ça nous changera car fatalistes que nous sommes nous nous dirons allah ghaleb.

    Mais delà à faire peur au peuple en le menaçant avec des : ça sera dur et il faudra en baver pour s’en sortir , je crois que c’est pire que le décourager. Je soupçonnerai même certains de vouloir s’accaparer encore la begra.

    Travailler ? Quelle idée ! Et dur en plus ?

      Zaatar
      29 mars 2019 - 15 h 02 min

      De mon avis, la begra appartiendra certainement à quelqu’un. Surtout pas au plus gentil, j’allais écrire au plus naïf. Je crains encore que ça ne sera pas le peuple qui monopolisera cette bête à. Mais aura t’elle encore du lait dans ses mamelles?

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