Le peuple a dit : «Tous, c’est tous !»
Par Mohand Ouabdelkader – Aucune action venant du pouvoir réel ou supposé ne peut amener une solution durable pour le peuple et ses revendications de démocratie et de justice sociale. Elle ne peut qu’enfoncer la crise et démultiplier les risques que cette révolution implose et se désintègre en pleine figure sur le régime qui, jusque-là, au lieu de remettre l’avenir du pays sur les rails de la légitimité populaire, essaie, en vain, de sauver ses os, qui ne cessent de se fissurer sous l’effet corrosif de leurs mensonges. Ils partent tous, coudes à coudes, à des conciliabules qui, à en croire toutes les déclarations qui s’en découlent, vont vite laisser la place à : sauve qui peut ! Les retournements de vestes se font comme s’ils étaient dans un vulgaire vestiaire d’équipe en relégation, après des années, tant bien que mal, de maintien.
Haddad vend ce qu’il peut ; Ouyahia, par toutes ses dernières trouvailles et sa sympathie soudaine au mouvement de contestation, finira par devenir un des chefs de file de la protestation. Saïdani, en retraite préventive sur une de ses palmeraies dorées du sud, chauffe la derbouka (percussion) en ajustant son rythme aux trois temps : j’étais avec vous, je suis resté avec vous, mais maintenant je suis avec eux au cas où… Ghoul et Benyounes, assommés, font de la syncope, jamais deux opportunistes aussi serviles que lâches ne se sont fait clouer le bec avec autant de clous dans la gueule. Sidi-Saïd, patron de l’UGTA, lâche, à son tour, le grand patron et songe sérieusement à se syndiquer pour revendiquer plus de droits. Gaïd-Salah, boucle la boucle de tous ses ex-amis qui, il n’y a pas si longtemps de cela, inclinaient l’échine pour baiser la main du roi. Gaïd-Salah, en noce avec Bouteflika, depuis, bien avant son AVC, était au fait de l’incapacité totale de ce dernier à gouverner le pays. Il n’a, à aucun moment, songé à demander l’application de l’article 102 de la Constitution.
Le pouvoir avait encore de beaux et langoureux jours devant lui et la junte, de succulentes affaires à faire fructifier par-dessus une Constitution qui était, jusque-là, qu’un torchon avec lequel tout le monde s’essuyait les mains. Le régime a réussi à faire vivre un cadavre pour entretenir toute la compagnie de charognards qui virevoltait par-dessus lui. Le roi est impotent, vive le roi.
Nous avons là l’ADN d’un système en décomposition. Pas besoin d’être un politologue illuminé pour comprendre qu’il mue sur des schémas bigarrés et invasifs, selon les impératifs de survie que leur dicte la conjoncture du pays. Le Conseil constitutionnel devra, alors, se pencher sérieusement sur le cas Bouteflika. Il convoquera les deux chambres à coucher du Roi qui, à leur tour, confirmeront que ce dernier n’a plus toutes ses facultés physiques, encore moins intellectuelles pour assurer la besogne qui lui incombe : asservir le peuple. En veux-tu, en voilà !
Ensuite, il leur faudra planquer le premier dossier du cas Bouteflika, candidat à sa propre consécration, validé haut la main par une des autres mains qui couche avec le Roi, le Conseil constitutionnel, pour assurer une période de transition. Bensalah, oui c’est bien à lui, d’assurer le maintien du bon fonctionnement des institutions de l’Etat. L’état dans lequel est l’Etat, en ce moment, préoccupe grandement les tenants de ses caisses à moitié vides et de ses soutiens qui s’effritent, chaque vendredi, un peu plus. Bensalah est un homme de tous les Etats qui, comme Ouyahia, donnera au plus offrant ce qu’il peut vendre à moitié prix ou au rabais, en attendant de trouver celui qui reprendra les règnes sous la houlette d’un civil à la solde d’un képi ou d’un képi travesti en civil.
Jamais le pays n’aura vécu autant d’éclaboussures, aussi abracadabrantes, les unes par-dessus les autres, en si peu de temps. Le régime n’a jamais été aussi affaibli que maintenant, et on n’a jamais été aussi solidaire que pendant ces grands moments de mobilisation citoyenne.
Gaïd-Salah tousse alors que le peuple a dit : «Dégagez tous !» Un mot d’ordre qui ne fléchit pas, ne trahit pas, ne se couche pas, ne décline pas. Il reste vaillant, toujours un peu plus fort, toujours un peu plus.
M. O.
(Auteur)
Ndlr : Les opinions exprimées dans cette tribune ouverte aux lecteurs visent à susciter un débat. Elles n’engagent que l’auteur et ne correspondent pas nécessairement à la ligne éditoriale d’Algeriepatriotique.
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