Que présage ce silence radio après le sixième vendredi de manifestations ?
Par Karim B. – Il n’y a eu aucune réaction aux manifestations pacifiques de ce vendredi. Habitués à avoir un écho de la présidence de la République après chaque marche, les Algériens n’ont reçu, ce samedi, aucun signal en provenance de Zeralda.
Que signifie ce mutisme du président Bouteflika et de son entourage au moment où tout le monde, en Algérie et à l’étranger, scrute la suite des événements après l’appel du chef d’état-major de l’ANP à l’application de l’article 102 de la Constitution ? Maintenant que le divorce est définitivement consommé entre Ahmed Gaïd-Salah et son chef hiérarchique, à quoi faudra-t-il s’attendre ?
Des sources concordantes assurent que le vice-ministre de la Défense pourrait ne pas se limiter à l’appel lancé en direction du Conseil constitutionnel et à la mise en garde, à peine voilée, destinée aux membres du cercle présidentiel. De même, le président Bouteflika, qui jouit toujours de son statut de chef de l’Etat et de chef suprême des armées, tant que l’empêchement n’a pas été constaté par les instances habilitées, pourrait réagir à la décision du vice-ministre de la Défense de choisir le camp des manifestants contre lui, en prenant une décision radicale à l’encontre du chef d’état-major, avant d’abdiquer une fois que son mandat arrivera à échéance.
Bouteflika laisserait alors derrière lui un pays divisé et au bord de l’implosion. Ira-t-il jusqu’à provoquer un conflit avec l’institution militaire pour demeurer au pouvoir ? Pourquoi le Président, qui n’a encore que quatre semaines devant lui, ne répond-il pas aux exigences de la rue qui se font de plus en plus fermes et irrévocables ? A qui profite cette perte de temps qui risque d’aggraver la crise et faire basculer le pays dans la violence ?
Contrairement à ce qu’ont pu croire certains optimistes qui ont vite crié «victoire», le président de la République a encore de nombreuses cartes en main. Le Conseil constitutionnel est présidé par un de ses fidèles lieutenants qui, dit-on, ne bougera pas le petit doigt sans l’aval de celui qui l’a désigné à ce poste. Paradoxalement, c’est sur la Constitution que Bouteflika s’appuie pour se maintenir jusqu’à la dernière minute au pouvoir, sa destitution ne pouvant être effective sans le respect des dispositions de la Loi fondamentale.
Entre la destitution et la démission, une autre possibilité s’offre donc à Bouteflika : celle de faire valoir sa «légitimité constitutionnelle» jusqu’au 28 avril à minuit. Que compte-t-il faire d’ici là ? Laisser pourrir la situation ou se retirer avant qu’il ne soit trop tard ? Ce samedi, lendemain du sixième vendredi de manifestations, on n’en sait rien.
K. B.
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