Le pronunciamiento consensuel raté face à une représentativité inexprimée
Par Maiza Nazim − Ne craignons pas la portée des mots : il s’agit bien d’un pronunciamiento raté» de la part de Gaïd-Salah le 26 mars dernier. Cette «sortie de crise» qu’il a proposée reviendrait à placer l’armée aux commandes de l’Etat, un scénario peu concluant vu qu’il replacerait l’Algérie parmi les Etats peu fréquentables avec, tel un boulet au pied de l’Algérie, une légitimité compliquée à asseoir.
Cela rouvrira, je le sais, les vieux débats qui ont bercé ma jeunesse, tel le fameux «qui tue qui» transmué certes en «qui roule pour qui» en 2019 et autres philippiques fusant d’une rive à une autre de la Méditerranée, sans pour autant apporter un plus ou au moins un changement concret dans le quotidien des citoyens algériens.
Le général Gaïd-Salah, à mon humble avis, se trompe d’époque, de contexte politique mais surtout de génération.La tentative de forcing pour le bien de la nation, selon lui, est bel et bien enterrée et oubliée par la piétaille hebdomadaire en marche.
Maintenant, quelle est la solution idoine pour le pays ?
Appeler à la rescousse le président Zeroual serait occasionner un revirement dans le traitement de la motivation idéologique même du mouvement populaire. J’avance cela sans beaucoup d’hésitation pour la simple et unique raison que l’ancien président raisonne tout comme Gaïd-Salah : en tant que militaire. Ce n’est pas une mauvaise chose en soit, cependant il faut savoir qu’un militaire pense le bien de la nation différemment d’un civil loin des «brain watching» et c’est ce point précis qui est aventureux.
En effet, nous pourrions résumer le raisonnement militaire avec le proverbe que je pense être de Napoléon : «Pour que mille vivent, il faut que cent meurent.» C’est exactement le cheminement de la pensée militaire : le sacrifice restreint pour le bien-être commun. Faudrait d’abord savoir qui est prêt à être sacrifier ?
Zeroual pourrait, s’il revenait aux affaires, manœuvrer pour le bien de la nation, je vous l’accorde, quitte à prendre des chemins tortueux parsemés de cooptations diverses de figures politiques du passé, déjetés par le temps et l’inaction. De ce fait, il est inévitable que des actions qui seront entreprises résulteront fatalement des concessions hasardeuses, ancrées dans une sagesse déliquescente et inappropriée devant le réalisme moderne des manifestants. En vérité, ça finira par où ça a commencé !
Des hommes etdes femmes dont les noms reviennent sur les réseaux sociaux dans la liste du panel Zeroual auront du mal à s’acclimater dans les orages de l’agora juvénile de 2019. Dans cette «short list», nous retrouvons le sphinx Taleb, le «Monsieur arabisation» de feu Boumediène, qui est en partie responsable du niveau décadent de l’école algérienne aujourd’hui, dans un contexte de l’époque dénaturant la réalité algérienne par un panarabisme galopant. C’est une autre histoire dans l’histoire.
Il y a aussi l’ancien Premier ministre Benbitour, un homme intègre dit-on, un homme qui ne fait pas trop de vagues. Néanmoins je pense que le challenge le dépasse hautement par un manque flagrant de courage dans son militantisme fantasmagorique. Cet argument saute aux yeux en lisant ses mémoires ou il ne cite aucun nom des responsables lorsqu’il était premier ministre. Même pour désigner le Président Chadli il écrit : «Le Président de l’époque.» c’est pour vous dire.
Sinon, d’autres noms fusent de part et d’autre pour mener le pays vers la sortie de cet imbroglio «politico-constitutionnel». Il y a Benflis qui aura du mal à convaincre beaucoup d’Algériens qu’il a laissé tomber en 2004, des gens qui avaient cru en lui et furent laissés pour compte après sa défaite. Leila Aslaoui s’en souvient certainement et douloureusement. Mokri, le «Machiavel combinard 2.0 version ottomane» ; Djaballah l’inventeur du concept en politique «je joue ou je quitte» ; Louisa Hanoune la démocrate populaire et dictatrice inclusive ; Said Sadi le philosophe qui se trompe de peuple sans en trouver un autre, etc.
Donc, la représentativité du «hirak» se fait désirer. Ceci dit, il y a des figures qui émergent ici et là, tels Karim Tabbou, Ghani Mahdi et Fares Mesdour. A vrai dire, ces trois personnages sont les plus présents sur les réseaux sociaux où leurs «live» sont suivis par des millions d’Algériens.
La représentativité du mouvement citoyen reste latente, seule une élection présidentielle libre et transparente sortira l’Algérie de cette impasse habilement dressée par le clan présidentiel. Une élection qui permettra au nouveau président de se débrouiller face aux défis dictés par les jeunes Algériens qui marchent dans la rue.
La célérité de la mise en place des mécanismes de cette échéance électorale dépendent aujourd’hui de la «casa d’El-Mouradia» avant le 28 avril, par la suite cela sera plus compliqué et tellement ardu.
M. N.
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